Chapitre XII : Conversation avec Camille Focant sur l'Évangile et l'Église d'aujourd'hui

24 octobre, 2013

Le tombeau vide du matin de Pâques

Le tombeau vide

 

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Camille Focant est né en 1946 à Lavaux-Sainte-Anne. Après des études de philosophie de théologie, il est ordonné prêtre du diocèse de Namur en 1969. Il devient licencié puis docteur en théologie de l'UCL en 1975. Il enseigne l'exégèse de 1974 à 1986 au Grand Séminaire de Namur où il fonde avec d'autres le Sénevé dont il est le premier directeur. Le Sénevé est cette école largement ouverte aux laïcs qui correspond au printemps conciliaire à Namur; celui-ci attira l'attention au point de faire l'objet d'un reportage à la BRT à la fin des années 1980 (dans le magazine principal d'information de cette chaîne à l'époque Panorama). Camille Focant avait quitté le Sénevé pour une charge complète à l'université quand André Léonard devint évêque de Namur et décida de fermer cette école, malgré l'opposition très large, notamment de son clergé. L'Église de Namur se distingua à nouveau puisque - fait  rare et même unique  -  ce conflit  fut au centre de maints journaux télévisés pendant des mois et, d'une manière plus générale, des médias. Le conflit ne relevait pas seulement de questions de cuisine intérieure à l'Église mais opposait des partisans du débat à d'autres personnes qui estiment que la vérité ne vient que d'en-haut. Professeur à l'UCL depuis 1986, Camille Focant  fut dix années doyen de la Faculté de théologie de l'UCL  (de 1995 à 2000 et de 2003 à 2008) et vice-recteur des sciences humaines (de 2009 à 2011). Il est ou a été  aussi membre la Commissie Godsdienstwetenschappen en theologie van het FWO-Vlaanderen, de l'Académie Royale de Belgique et de nombreuses associations scientifiques comme la Society of New Testament Studies ou l'Association européenne de théologie catholique de Tübingen. Il est connu dans le monde de l'exégèse, notamment pour une somme intitulée L'évangile de Marc, Cerf, Paris, 2004, rééditée en 2005 et 2010 et récemment traduite en anglais The Gospel according to Mark: A Commentary, Pickwick Publications, Eugene Oregon, 2012, 756 p.

TOUDI - La question de la lecture des évangiles en particulier et des Écritures en général s'est posée à partir de la crise moderniste en France qui a été un ébranlement fondamental du monde catholique, surtout dans ce pays de 1890 à 1914 en gros.

Camille FOCANT - Cela a été lié notamment au talent du grand exégète que fut Alfred Loisy ; il réunissait toutes les compétences exigées pour le métier d'exégète, comme la connaissance des langues bibliques par exemple, et il y joignait un talent d'écriture peu commun. Dans les pays protestants, on était habitué à traiter les Écritures d'un point de vue historique et littéraire sans contrôle d'un Magistère, gardien de l'orthodoxie de la foi. Ce qui ne faisait pas problème dans l' Allemagne protestante a fait problème en France catholique. Au cœur de cette situation, le philosophe catholique Maurice Blondel a voulu défendre une position de juste milieu.

Protestants et catholiques face à  la Bible

Il mettait en cause ce qu'il appela l'« extrincésisme » qui voulait édicter la vérité d'après la tradition conçue de manière figée et autoritaire (dictée par le pouvoir du Magistère ecclésial) contre la prétention de Loisy de faire dépendre la vérité du travail des historiens, ce que Blondel mettait aussi en cause sous le nom d'« historicisme ». L'extrincésisme s'appuyait sur ce que l'on appelait l'« inerrance biblique » : puisque Dieu a inspiré les Ecritures, celles-ci doivent être déclarées sans erreur. Pour Blondel, aucune des deux positions précitées ne peut nous faire connaître seule le Christ, donner accès de manière isolée au sens chrétien. Il aurait voulu de la réciprocité entre les deux. Mais, pour lui, la tradition n'avait rien de figé ou d'autoritaire. Ce mot désignait pour lui le mouvement qui a permis, au cours des siècles, grâce à la relecture incessante des textes fondateurs et à leur application dans la vie des communautés, un approfondissement de la compréhension de ceux-ci. La tradition est donc, pour Blondel, la fidélité créatrice qui, en conformité avec l'inspiration originelle, permet de faire grandir le contenu d'une foi qui, en un certain sens, évolue en s'enrichissant de cette créativité.

TOUDI - Loisy a été durement condamné en 1907, excommunié avec prescription que l'on cesse tout contact avec lui...

Camille FOCANT - En contestant la théorie de l'inerrance biblique, selon laquelle la Bible inspirée était garantie sans erreur par l'autorité de Dieu, Loisy dira plus tard avoir eu le sentiment de créer une brèche irréparable dans le cuirassé de la foi catholique. Cela peut expliquer la réaction violente d'une Église très autoritaire et nettement sur la défensive, une Église qui manifestait très peu d'ouverture aux libertés prônées par la modernité. Mais Loisy a quelque chose d'ambivalent ; il semble s'être considéré lui-même jusqu'à la fin de sa vie comme étant demeuré catholique, malgré cette sévère condamnation.

TOUDI - Quels sont les rapports entre l'Écriture et la Tradition dans l'Église ?

Camille FOCANT - On sait que la Réforme protestante au XVIe siècle  a mis  en avant le principe de la  scriptura sola,  de l'Écriture seule et de son interprétation personnelle par chaque croyant. L'Église catholique a voulu, elle, souligner qu'il y a deux sources de la révélation : l'Écriture certes, mais aussi la tradition. Celle-ci a souvent été conçue de manière figée et conservatrice. Mais ce n'est pas une fatalité. On peut aussi l'entendre de ce qui se transmet de générations en générations sur la connaissance du Christ pour en vivre de manière créative dans une communauté qui est l'Église (ce qui est en somme ce que Blondel appelle ainsi d'un point de vue philosophique). Il s'est produit, depuis quelques décennies,  deux mouvements contradictoires qui ont paradoxalement rapproché les points de vue protestants et catholiques. Le catholicisme s'est rendu compte qu'il lui fallait redonner une place rénovée à l'Écriture qui avait été un peu mise sous le boisseau par méfiance envers les protestants et la mettre à la disposition de tout le peuple chrétien. Et au même moment, du côté protestant, on assiste à la redécouverte de l'importance de la tradition. Rudolf Bultmann (théologien luthérien né en 1884 mort en 1976, influencé par l'existentialisme et la phénoménologie, notamment la pensée d'Heidegger), considère que les évangiles ont leur origine dans la vie de communautés ; les évangélistes ne sont pas considérés comme de grands écrivains, mais plutôt comme des compilateurs de traditions venues des communautés. Une grande partie de ce qui a donné les évangiles d'aujourd'hui a en effet d'abord été colporté de façon orale en fonction des besoins de la communauté, à savoir la prière, la prédication et l'organisation de la vie en commun. Sur cette base, on a pu par la suite développer une approche sociologique des Écritures. On voit d'ailleurs bien qu'à côté des questions religieuses que je viens d'évoquer, d'autres se posent aux premières communautés comme, par exemple, la subsistance de ceux qui travaillent pour les communautés ; cela suscite des débats souvent passionnés. Doivent-ils gagner eux-mêmes leur pain quotidien ? Certains estiment qu'ils doivent être financés par les communautés. Par contre Paul estime qu'il doit assurer lui-même sa subsistance et on sait qu'à côté de son travail apostolique et de la rédaction de ses lettres, il était aussi un fabricant de tentes. Cela lui est reproché par ceux qui sont subsidiés par les communautés ; ils l'accusent de ne pas avoir confiance en Dieu, en la Providence divine. Mais revenons à la tradition. A partir de travaux comme ceux de Bultmann et bien d'autres, les protestants ont pris conscience que leur scriptura sola était en fait enracinée dans des traditions nourrissant des communautés vivantes. Par conséquent, d'une certaine manière, la tradition précède même l'Écriture, mais celle-ci en assure la fixation par écrit.

TOUDI - Il y a cependant plusieurs Écritures en un sens ?

Camille FOCANT -  Oui, il est intéressant d'ailleurs d'observer que le génie juif a été de préserver deux récits différents de la création repris dans les deux premiers chapitres de la Bible, et celui du christianisme a été de se dire que l'on pouvait garder quatre évangiles différents au  lieu d'en choisir un seul. La communauté chrétienne a estimé que ces quatre récits, malgré leurs différences qui sont parfois grandes, étaient fidèles à transmettre qui était le Christ, son action et son message. On est ainsi d'emblée dans un réel pluralisme. Ce choix comportait le risque ou la chance, c'est selon, de provoquer des conflits d'interprétations et il en a d'ailleurs  engendré de nombreux parfois fort douloureux.

TOUDI - Et la différence entre catholiques et protestants ?

Camille FOCANT  - A la suite du double mouvement, des catholiques vers l'Écriture d'une part et des protestants vers la tradition d'autre part, il y a eu un net rapprochement entre eux. Lors des réunions internationales de biblistes auxquelles je participe régulièrement, il est souvent devenu difficile de voir qui est catholique et qui est protestant. Chrétien est notre nom ; nos différences de prénom sont toutes relatives. Mais c'est peut-être facilité par le fait que nous sommes tous penchés sur l'étude de la Bible.

Recherche littéraire et Bible

Il y a d'ailleurs un fait qu'on peut observer et qui est éclairant. Dans le domaine biblique, ce qui détermine la méthode à utiliser, c'est l'état de la recherche littéraire selon les époques. Par exemple, à l'époque d'Origène, ses collègues qui lisaient Homère, dont les œuvres étaient considérées par les Grecs comme inspirées, trouvaient qu'il y avait dans ses récits des choses impossibles ou douteuses, des absurdités. Dans le but de concilier les mythes avec la philosophie, ils estimaient nécessaire de dépasser le sens littéral pour atteindre un sens caché, symbolique. Pour cela, ils utilisaient une méthode d'exégèse allégorique. Origène a fait de même pour les récits bibliques et la méthode d'exégèse allégorique a été abondamment utilisée par les chrétiens jusqu'au 19e siècle et l'avènement de la méthode historico-critique. À la Renaissance cependant, l'intérêt va revenir pour un travail plus philologique au sens strict et, dans la foulée, pour le sens littéral. Dans le siècle où je suis né, j'ai été marqué au début de mes études par le travail de Bultmann, que j'ai lu attentivement. Que dit Bultmann ?  Qu'il y a dans les textes beaucoup de passages que l'on ne peut pas prendre à la lettre car la Weltanschauung 1 de l'époque était différente de la nôtre aujourd'hui. Il convient donc, selon lui de démythologiser les textes ; si on ne le  fait pas, on risque que le bébé soit jeté avec l'eau du bain, on va perdre la valeur « existentiale » des textes bibliques, ce qui se rapporte à des données fondamentales, structurantes de l'existence humaine. Il faut donc relire les évangiles en fonction du langage des hommes d'aujourd'hui. Pour prendre un exemple un peu gros, dans l'Ancien Testament, il nous est difficile d'accorder crédit au récit de Josué qui arrête le soleil afin que le jour dure plus longtemps et que sa victoire militaire sur les Cananéens soit plus complète. En effet, dans notre conception actuelle du monde, ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre mais l'inverse. Bultmann a donc le souci de démythologiser. Sa volonté est de faire un travail d'historien critique et de mieux comprendre l'intention du texte dépouillé de conceptions dépassées. Paul Ricœur l'explique à sa manière dans la préface au Jésus, mythologie et démythologisation de Bultmann. Le mythe, dit-il, donne à penser ; sa visée profonde est d'exprimer en termes d'outre-monde une compréhension que l'homme acquiert de lui-même en rapport avec le fondement de son existence. C'est pour sauvegarder cette compréhension qu'il faut interpréter les représentations objectivantes du mythe (démythologiser, dirait Bultmann). L'objectif est, selon Ricœur, de restituer le sens que l'homme peut prendre de sa dépendance à l'égard de cela qui se tient à la limite et à l'origine de son monde.

Dans le même but, on trouve une position presque inverse plus récemment chez quelqu'un comme Eugen Drewermann (théologien et psychanalyste allemand de tendance jungienne, né en 1940, suspendu de ses fonctions sacerdotales par l'archevêque de Paderborn en 1994) qui conteste la recherche d'une prétendue objectivité historique au nom de la psychologie des profondeurs. Son souci est de rendre aux images des mythes leur opérationnalité abîmée par le vain souci d'historicité qui amène à les juger subjectives et donc arbitraires et irréelles. Lui, Drewermann, veut défendre le caractère psychiquement obligatoire des songes et des mythes à la fois pour les individus et pour les peuples. Selon lui, l'enquête historique ne produit pas de sens, et même elle détourne de la quête du sens.

Parti d'une formation très imprégnée de  l'initiation à la méthode historico-critique, j'ai personnellement éprouvé au début de mon enseignement une sorte de lassitude à son égard. Elle ne me paraissait plus opérationnelle à elle seule pour chercher le sens des textes que j'étudiais. A la recherche d'autres possibilités de lectures, je me suis tourné à ce moment-là du côté de la sémiotique. A travers des séminaires auxquels j'ai participé à Paris, à Lyon, j'ai appris à prendre le texte dans sa dimension synchronique et non sa dimension diachronique.

TOUDI - Quelle est la différence?

Camille FOCANT - Aborder le texte dans sa dimension synchronique, c'est le prendre comme un tout dans sa dimension achevée, plutôt que, par exemple, tenter de retracer les étapes de son élaboration, même si, en deuxième analyse, il est aussi intéressant de tenir compte de cet aspect ou en tout cas de ne pas l'ignorer. Mais l'accent est mis sur le texte dans son unité tel qu'il se présente à nous. Il se fait aussi que, dans le cadre de mon travail, j'avais rencontré, quand j'étais encore professeur au Grand Séminaire de Namur, un jésuite français, philosophe hégélien, Pierre-Jean Labarrièrre ; un soir, je lui avais confié mon insatisfaction face à ce que j'éprouvais comme une sorte de stagnation de la méthode historico-critique. Il m'a parlé alors des séminaires de troisième cycle qu'organisait à Paris un de ses collègues, Paul Beauchamp. J'y ai participé un samedi par mois et une semaine par an pendant trois ans. Quelle découverte ! J'avais rencontré un maître de lecture ou plutôt un stimulateur, un initiateur. Chacun de nous restait libre de son interprétation, mais nous étions incités à la découverte.

Par la suite, je me suis orienté vers une nouvelle méthode qui s'est d'abord développée aux Etats-Unis. En anglais on parle de « narrative criticism », ce qu'on rend d'habitude en français aujourd'hui par le terme « narratologie ». Je me suis lancé dans cette aventure, en créant avec un collègue et ami, Daniel Marguerat (professeur à la Faculté de théologie protestante de l'Université de Lausanne) et quelques autres un réseau universitaire francophone de recherche en analyse narrative des textes bibliques. J'ai alors été sollicité par une série de collègues français en vue de participer à une Collection de commentaires de chacun des livres du Nouveau Testament, collection qui serait publiée aux éditions du Cerf. Comme l'évangile de Marc était mon sujet d'études depuis longtemps, c'est à moi que la rédaction du volume sur Marc fut demandée. C'est un travail fort lourd dans lequel il ne convient pas de s'engager à la légère. J'avais lu dans un cours polycopié de Beauchamp sur les genres littéraires en exégèse une critique assez acerbe du genre littéraire du commentaire ; il brocardait son caractère encyclopédique et très éclectique. Lorsque j'ai sollicité son avis, à ma grande surprise, il m'a répondu : « Si tu t'en sens la force, vas-y ; le commentaire est le genre littéraire majeur en exégèse ». J'ai alors évoqué le cours qu'il avait donné à Lyon bien des années auparavant. « Ah, mais, m'a-t-il rétorqué, il s'agissait des mauvais commentaires, ceux qui n'ont pas de ligne conductrice, de fil rouge ». Cela m'a beaucoup aidé. Je me suis dit qu'il était inutile d'écrire un commentaire de Marc si je n'avais pas un principe unificateur. Et la méthode d'analyse narrative attentive à l'intrigue globale de l'œuvre notamment était propice pour la découverte du fil rouge. À la fin de mon premier mandat de doyen de la faculté de théologie, en 2000, j'ai bénéficié d'une année sabbatique et je me suis lancé dans l'aventure.

TOUDI - Et vous avez ainsi rédigé un long commentaire très neuf paru sous le titre L'évangile selon Marc aux éditions du Cerf, Paris, 2004, réédité deux fois et dont la traduction en anglais vient d'être publiée. Comment procédez-vous à cette analyse narrative ?

Camille FOCANT - Il ne me paraît pas vraiment intéressant de résumer ici les procédures de cette méthode de façon théorique ; je me propose plutôt d'illustrer quelques découvertes. Par exemple le chapitre 13 de l'évangile de Marc est habituellement considéré comme relevant du genre apocalyptique qui concerne la révélation de « choses cachées », éventuellement d'événements qui vont se produire dans l'avenir. Il serait donc dans le style de l'Apocalypse de Saint Jean, le dernier livre du Nouveau Testament. Or quand on lit attentivement ce chapitre 13 de Marc, on se rend compte qu'il est pseudo-apocalyptique. Il commence par l'annonce de la destruction du Temple de Jérusalem et il parle du retour du Christ à la fin des temps, mais le temps des verbes largement dominant est l'impératif et non l'indicatif. En fait c'est un discours d'exhortation. Marc, comme il en a l'habitude, selon des procédés que l'on rencontre dans la littérature de tous les temps, brise le temps. Il ne suit pas l'ordre chronologique. Ici, dans le chapitre 13, avant de raconter la passion de Jésus, il annonce en fait celle de ses disciples, celle qu'ils vivront plus tard après la mort et la résurrection de Jésus.

Un autre exemple, c'est le rôle joué dans le récit évangélique global par le texte connu sous le titre L'onction à Béthanie. Il est situé au tout début du récit de la Passion. Jésus partage un repas chez un de ses amis, une femme entre, porteuse d'un récipient de parfum en albâtre, qu'elle verse sur sa tête. Certains se récrient que c'est là un gaspillage insensé et qu'il aurait mieux valu donner l'équivalent en argent aux pauvres. On retient facilement cette réflexion un peu comme les médias retiennent surtout le point de vue des « méchants ». Tout le monde se rappelle de Judas, dont la trahison est mentionnée juste après le récit de l'onction à Béthanie, mais personne ne connaît le nom de cette femme. Toutefois Jésus bouleverse la donne en interprétant ce geste féminin comme quelque chose qui sera proclamé partout où l'Évangile sera annoncé. Pourquoi cela et pourquoi Marc raconte-t-il cette scène ? En fait, elle consonne bien avec la logique de tout son récit. Jésus reçoit le don du parfum comme l'onction funéraire anticipée d'un vivant. Ce qui donne au geste de la femme un nouveau sens, celui d'un parfum perdu pour un corps perdu. Cette onction faite d'avance opère un dépassement symbolique de la mort. Il est dès lors compréhensible que la mémoire de cette onction soit attachée à l'annonce de l'Évangile, puisque la mort et la résurrection de Jésus en constitue le cœur. Par ailleurs, alors que, dans la première partie du récit évangélique, on s'intéressait à un Jésus soucieux des malheurs du corps des autres, à la fin, dans le récit de la Passion, le corps de Jésus lui-même retient tout à coup l'attention. Il est l'objet des mauvais traitements liés à la crucifixion, l'objet aussi de paroles extraordinaires comme lors de la dernière Cène où Jésus partage le pain comme son propre corps donné. Il y a là une logique narrative : ce n'est pas par hasard que ces éléments sont placés là où ils le sont.

Camille Focant

Camille Focant

L'histoire et l'Evangile

TOUDI - Mais la vérité historique ?

Camille FOCANT - Dans l'interprétation des textes, mon souci n'est pas d'abord d'ordre historique. Lorsque ce souci envahit tout, il masque la force d'une œuvre littéraire. On minimise souvent la force de la littérature. Mais le ministre français Badinter, celui qui fit abroger la peine de mort en France, avait bien mesuré cet impact de la littérature lorsqu'il émit l'opinion que le plus beau plaidoyer contre la guillotine, c'était le récit de Victor Hugo sur la dernière journée d'un condamné à mort 2, bien plus efficace que tous les reportages journalistiques sur la peine de mort. Les évangiles sont des œuvres littéraires. Se désintéresser de leur rapport à l'histoire et les utiliser uniquement, par exemple, comme une réserve de citations à utiliser pour justifier ses positions ou celles d'une Église est une approche réductrice. Mais l'est tout autant celle qui ramène les évangiles à la problématique de l'histoire. En ce sens, ce qu'a fait l'exégète américain John Paul Meier est exemplaire. Il a écrit à partir de 1991 A Marginal Jew : Rethinking the Historical Jesus traduit aux Éditions du Cerf  sous le titre Un certain juif, Jésus. Les données de l'histoire (vol. 1, Les sources, les origines, les dates, 2004 ; vol. 2, La parole et les gestes, 2005 ; vol. 3, Attachements, affrontements, ruptures, 2005 ; vol. 4, La loi et l'amour, 2009). Pour expliquer sa tentative, il parle d'une sorte de conclave non-papal : on enferme un catholique, un protestant, un juif et un agnostique, tous historiens honnêtes, dans les entrailles de la bibliothèque d'Harvard, on les soumet à un régime alimentaire spartiate et on leur annonce qu'ils ne seront pas libérés avant de s'être mis d'accord sur ce qui est et n'est pas historique dans les évangiles. Dans son compte rendu de ce travail, Le Monde a écrit qu'il administrait la preuve que l'on pouvait être catholique et intellectuellement honnête. Singulière découverte et étonnement surprenant de la part d'un si grand journal, à vrai dire. Mais peu importe. Ce travail gigantesque est remarquable dans son ordre. Mais qu'apporte-t-il à la compréhension du sens du récit ? Pas grand-chose, à mon avis. Il n'éclaire que fort peu la signification profonde que les auteurs ont voulu donner à leur récit.

TOUDI - Pourtant l'histoire demeure importante ?

Camille FOCANT - Oui, l'histoire demeure capitale, car le message et l'action de Jésus ne sont pas désincarnés ; ils prennent corps dans une époque et une société bien précise et on ne peut mesurer leur impact sans connaître ce contexte. La recherche historique permet de mieux connaître le monde de Jésus, ce que l'on pourrait appeler le « dictionnaire culturel » de son époque. Et cela aide à mieux comprendre ce que les évangiles veulent dire exactement. Sans cela, le personnage de Jésus et ce qu'il a voulu faire risquent d'être tout à fait mal compris. Mais une reconstitution historique fidèle de Jésus tel qu'il a réellement été nous échappe en dehors des grandes lignes, d'autant plus que les textes qui nous en parlent n'avaient pas cette visée. Ils entendent bien nous livrer l'action et le message d'un personnage réel de l'histoire. Mais ils ne visent pas à répertorier tous les événements historiques de sa vie ; selon l'évangéliste Jean, aucun livre ne suffirait à les contenir tous. La visée de ces textes, ce n'est donc pas la reconstitution la plus fidèle et la plus exhaustive possible de l'histoire de Jésus, ni un ensemble d'enseignements qu'il faudrait mettre dans un catéchisme. Les récits visent plutôt à susciter la foi, une foi dont les auteurs témoignent à propos d'une action et d'un message qui s'inscrivent dans l'histoire et dont la portée la dépasse en même temps. Cette foi repose sur l'expérience vécue d'un passant considérable pour reprendre l'expression de Rimbaud qu'aimait citer Michel de Certeau 3.

L'Église dépositaire d'un message inouï s'acharne sur la morale sexuelle !

TOUDI - Que penser de la crise de l'Église ? Emile Goichot, spécialiste du modernisme,  a écrit en 1988 que le seul vrai roman du modernisme, c'est Augustin ou Le Maître est là de Joseph Malègue (Spes, Paris, 1933 à 1966). 4  Mais que ce livre est  symptomatique  des illusions entretenues dans l'Église catholique, à la faveur d'une efflorescence intellectuelle très exceptionnelle (notamment dans la littérature française), qui n'a été selon lui qu'une rémission du même type que celle des grands malades avant leur mort. Illusion qui permit aussi d'entretenir, dans le monde catholique, l'espoir d'une nouvelle Pentecôte qu'aurait pu être Vatican II. Alors que l'on sait que ce fut plutôt un effondrement. Geneviève Mosseray, au contraire, donne raison à Malègue, dans un article ultérieur, du moins sur sa façon de résoudre le conflit entre « extrincésisme » et « criticisme »5.

Camille FOCANT - Il me semble évident que l'Église a refoulé la modernité autant et aussi longtemps qu'elle le pouvait. Elle a admis certaines choses quand il était devenu pratiquement impossible de faire autrement. C'est largement le cas aujourd'hui alors que l'esprit critique n'est pas demeuré l'apanage des intellectuels, mais s'est répandu dans la population toute entière. Cet esprit critique s'applique d'ailleurs à la modernité elle-même dont on s'attache aujourd'hui à dépasser certaines illusions.

Par ailleurs, tout le monde sait que le christianisme aujourd'hui ne peut éviter de se confronter à d'autres religions qui ont leur propre justification et leur propre valeur de même qu'à une foule de convictions différentes. Cela a été la grande œuvre du Concile Vatican II d'admettre la liberté religieuse. Cela n'allait pas de soi et n'a pas été pour rien dans le schisme lefébvriste 6 . La théorie semi-officielle de l'Église avant le concile, c'était que  les catholiques devaient exiger la liberté quand ils ne dominaient pas un pays et revendiquer que leur religion devienne religion d'Etat là où ils étaient en force. En ce qui me concerne, je ne peux pas souscrire à une obligation de croire ; cela ne peut être imposé à personne. Quand on parle de l'Église aujourd'hui, le plus souvent on a d'abord en vue une hiérarchie (pape, cardinaux, évêques) exerçant un pouvoir et voulant plus ou moins imposer des conceptions, une façon de voir la réalité. Or, il s'agit avant tout d'une communauté qui est dépositaire d'un message très particulier concernant le salut, la libération, l'émancipation de l'humanité. Tout part de cette extraordinaire conviction que Dieu s'est fait homme, ce qui a des conséquences anthropologiques extraordinaires et qui est tout de même unique. Malheureusement, au lieu d'exploiter les ressources de cet inouï, les responsables de l'Église me semblent s'acharner sur des questions morales, concernant tout particulièrement la sexualité. Non que cela soit sans importance. Mais pas de cette façon obsessionnelle.

TOUDI - Pourtant Vatican II a été une période d'ouverture hors du commun dans un enthousiasme partagé hors des limites de l'Église. Quand le charme s'est-il rompu ?

Camille FOCANT - À mon sens, trois ans après la clôture du Concile quand est parue, en 1968,  l'encyclique de Paul VI Humanae vitae. Déjà dans la manière de décider ce qu'allait promouvoir cette encyclique, on était loin de l'esprit qui prévalait lors du débat conciliaire où le point de vue de la majorité était respecté : Paul VI s'est prononcé à l'encontre de l'avis de la majorité de la commission d'experts qu'il avait lui-même nommés ! Cette encyclique qui refusait les moyens artificiels de contraception touchait de manière ultra-sensible à la vie des familles, à la parenté responsable, aux joies légitimes de la sexualité. Il me semble que l'Église s'est privée de nombre de ses forces vives par des décisions de ce genre. Le texte de 1968 n'était manifestement pas dans la même ligne que la majorité des évêques qui s'était exprimée au Concile sur l'articulation des deux fins du mariage (la procréation et l'épanouissement réciproque des époux). Peut-être le pape était-il l'otage de quelque chose qui le dépassait (sa fonction et le souci de ne pas dédire ses prédécesseurs) ? Il y a dans l'Église une prétention à dire que l'on ne s'est jamais trompé qui est ahurissante. Il n'y a aucune institution humaine qui ne commette des erreurs. Pour un esprit moderne, il est difficile, sinon impossible, de se fier à une institution qui ne le reconnaît pas.

Mais par ailleurs, aussitôt après le Concile, il y a eu tout le mouvement de contestation dont Mai 68 a constitué un symbole. Je crois que la hiérarchie ecclésiale a pris peur. Et en un sens il y avait de quoi. Je peux l'illustrer par cette conversation que le général De Gaulle eut un jour avec un dignitaire ecclésiastique à Paris. Le général évoquait la rupture du barrage de Fréjus. La cause n'en était pas, selon les experts, une défaillance technologique ou humaine, mais bien un affaissement de terrain. Et De Gaulle de dire à son interlocuteur : « Voyez-vous, Monseigneur, ce n'est pas la maçonnerie qui était défectueuse, le barrage était bien construit ; c'est le sol qui a bougé ! Eh bien, votre concile, c'est pareil ! Votre concile est sans doute bien construit, mais c'est le sol qui bouge ; et ça vous n'y pouvez rien ! »

TOUDI - Faut-il donc rompre avec cette structure aussi pesante et aussi raide ?

Camille FOCANT - J'ai souvent l'impression qu'une spiritualité chrétienne, la lutte spirituelle pour vivre et aider à vivre, cela peut se jouer indépendamment, voire en dehors des structures institutionnelles. Mais d'un autre côté, c'est une loi des sociétés humaines : ces efforts-là, s'ils ne sont pas relayés d'une quelconque manière par une institution, ils risquent de se perdre dans les sables et de ne pas subsister. L'Église est importante dans la mesure où elle permet qu'un St François d'Assise ou des gens comme lui développent une spiritualité évangélique. C'est valable pour autant que la structure suscite ou supporte des spirituels. Mais il ne faut pas inverser les processus.

TOUDI - Quelle institution faudrait-il donc avoir ?

Camille FOCANT - Une institution semper reformanda, comme le dit l'Église elle-même. Mais il y a loin de l'affirmation à la mise en œuvre. Le travail de réforme pour une Église critique en relation avec une modernité critique est d'autant plus énorme qu'on n'a pas fait grand-chose en ce sens depuis des années ; on a même plutôt régressé de mon point de vue. Un exemple. Depuis longtemps au lieu d'avoir un pouvoir romain centralisé, on devrait avoir quelque chose comme une série de patriarcats (on peut choisir un autre nom que celui-là), ces patriarches demeurant en communion avec l'un d'eux qui assurerait l'unité. Et, dans notre monde où la longévité est de plus en plus grande, ces tâches de service et d'unité devraient sans doute être confiées pour un mandat limité dans le temps. L'universalité interprétée sur le modèle de l'uniformité telle qu'elle a été développée dans l'Église latine romaine n'est plus guère qu'un rêve perdu. Dès l'instant où l'on a admis que la liturgie ne devait plus se célébrer en une seule langue (le latin), on a fait ses adieux à cette forme d'universalité par uniformité. Est-ce un malheur ? Je ne le crois pas. Une religion s'enracine dans une culture et une religion qui se veut universelle ne peut l'être qu'à travers toute la diversité des cultures où elle s'incarne. Dans le système dont je rêve ici tout haut, le fait de garder une unité souple, permettrait aux uns et aux autres d'évaluer critiquement ce que font et pensent les uns et les autres par rapport à un  idéal que l'on pourrait formuler par cette question : « Sommes-nous fidèles à l'essentiel, à savoir l'intention profonde de l'Évangile et du christianisme ? » Tout en sachant que cet essentiel a quelque chose d'inaccessible et reste pour tous un horizon, un orient.

TOUDI - Ceci s'est un jour résumé en ce qui concerne Michel de Certeau dans son dialogue avec Jean-Marie Domenach à France-Culture en 1973 (Le christianisme éclaté).

Camille FOCANT - Oui, la recherche de type mystique est aussi importante. Mais à condition qu'on n'entende pas la spiritualité sur un mode évanescent. Ainsi je me méfierais d'une spiritualité qui ne s'intéresse pas aux impacts sociaux de ce à quoi elle adhère en profondeur. Le mystique chrétien c'est quelqu'un qui se doit d'être en conformité avec l'âme du christianisme tout en sachant très bien qu'il ne le sera jamais de manière adéquate. J'aurais tendance à donner raison à Bergson qui estimait que l'authenticité des mystiques chrétiens se vérifie  par leur engagement dans la vie quotidienne. On idéalise aisément la figure des mystiques qui se retirent au désert, les anachorètes. Je ne me prononce pas sur les vocations personnelles de l'un ou de l'autre. Mais la recherche de perfection personnelle ne me paraît pas un label exclusivement chrétien. Dans bien d'autres traditions, cela se retrouve également. Ce qui est typiquement chrétien, dans quelque contexte de vie que l'on soit, se trouve dans une parole de la première épître de Jean selon laquelle celui qui prétend aimer Dieu (qu'il ne voit pas),  sans aimer son frère (qu'il voit), est un menteur.

La Résurrection

TOUDI - Que pensez-vous de la démarche de Jacques Vallery 7 ?

Camille FOCANT - Ce fut un compagnon de route pendant une partie de ma vie. Il nous a été ôté bien tôt. Il a beaucoup travaillé avec d'autres sur la situation de nombreuses institutions chrétiennes (mouvements, écoles...) où une position privilégiée est institutionnellement accordée à la foi chrétienne, tandis que celle-ci est plutôt minorisée culturellement. Je me rappelle aussi d'une de ses réflexions favorites : lorsque l'on parle de l'absolu il faut être conscient qu'on le fait toujours de manière relative et lorsque l'on parle du relatif il faut éviter de le faire de manière absolue.

Toudi - Et la révélation ?

J'ai été très marqué par une réflexion de Paul Ricoeur dans un article intitulé Raison et révélation, un chapitre de l'ouvrage collectif La Révélation 8 Il veut reconquérir un concept de révélation qui ne soit ni opaque ni autoritaire, condition minimale pour qu'il puisse entrer en dialogue avec la raison. Pour cela, Ricoeur repart du langage originaire de la révélation dans la Bible. Il montre qu'elle s'exprime à travers une diversité de genres littéraires: narratif, législatif, poétique, sapiential. C'est dans un deuxième temps que cette révélation multiforme fait l'objet d'une rationalisation à l'aide de concepts, élaborés à travers les discussions et débats intellectuels. Mais les dogmes ne peuvent jamais être coupés de l'élan de vie communautaire d'où ils sont issus pour remplir leur rôle au service des chrétiens concrets de tous les temps.

TOUDI - Croyez-vous en la résurrection du Christ ?

Camille FOCANT - La résurrection du Christ est une victoire de l'amour sur la haine avant d'être une victoire de la vie sur la mort. Elle transcende la haine, car Jésus a été victime d'un  rejet formidable ; son pardon et le fait de sa résurrection attestent que la haine n'a pas le dernier mot. Et en ce qui nous concerne ? Mon esprit tend vers Dieu et d'une certaine façon, j'espère (en l'occurrence, le mot « espérer » me paraît plus approprié que « croire ») que cela se poursuit au-delà de notre vie dans ses conditions spatio-temporelles actuelles.

Si je pensais que le Christ n'est pas ressuscité, je ne serais plus relié à lui, vivifié par lui ; je ne serais donc plus un croyant chrétien. Dieu prend corps dans un homme qui s'appelle Jésus. Consacrer son temps à explorer cela, à en comprendre le sens, indépendamment même du fait que l'on y adhère ou pas, à la limite, cela en vaut la peine, c'est prodigieusement intéressant. Il y a, par exemple, dans ce que l'on appelle Le sermon sur la montagne des paroles saisissantes pour tout humain. Il y a même là sans doute des choses qui n'ont jamais été dites nulle part ailleurs sous cette forme. Par exemple, Jésus y affirme non pas « Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse » (telle est la façon dont la sagesse universelle proclame négativement en quelque sorte, l'impératif moral fondamental) ; la règle d'or, il l'énonce sous forme positive : « Tout ce que vous voudriez que les hommes vous fassent, faites-le pour eux ». Cette exigence est radicale, parce qu'illimitée. C'est quelque chose qui est sans fin humaine envisageable. Il en va de même pour les Béatitudes. Cet inouï résonne aussi dans les antithèses (« On vous a dit... Moi je vous dis... »), notamment celle sur l'amour des ennemis : « On vous a dit 'Aimez votre prochain et haïssez vos ennemis', moi je vous dis 'Aimez vos ennemis' ». C'est très particulier ce jusqu'auboutisme. Quelque chose comme de l'extravagance, mais une extravagance qui ouvre sur la Transcendance. Car ce qui est la sagesse humaine bien compréhensible, c'est le donnant-donnant ; laisser entendre qu'il faut aller au-delà, cela inquiète, cela intrigue. D'ailleurs si ces textes étaient isolés, ils pourraient déboucher sur quelque chose de pervers, comme l'a bien souligné Maurice Bellet. On ne doit jamais oublier qu'ils vont au-delà mais pas en-deçà des exigences de  la justice. Il en va ainsi du pardon qui est un au-delà possible de la justice qui doit être respectée prioritairement. Il n'empêche que c'est une invitation à aller au-delà des limites communes vers une vision encore plus vivifiante.

  1. 1.  C'est ainsi que l'allemand désigne les « visions du monde »,  visant celles qui peuvent être aussi bien celles de savants, de philosophes,  d'écrivains... que celles de tout un chacun.
  2. 2.  Victor Hugo, Le dernier jour d'un condamné, éditions Librio, Paris, 2003. Ce livre parut  la première fois en 1829 sans nom d'auteur. Le personnage principal n'a pas de nom, on ne sait rien du crime pour lequel il a été condamné  et il existe un faux chapitre (vide), qui raconte sa vie. Mais assez vite, les critiques, au départ décontenancés, en  mesurèrent la grande force littéraire.
  3. 3.  Jésuite français né en 1925, mort en 1986, à la fois historien, philosophe, théologien, sociologue... qui s'est imposé en France comme le meilleur spécialiste, notamment, des événements de mai 68, mais aussi de la mystique du XVIIe siècle  et dont le rayonnement dans le monde anglo-saxon est exceptionnel.
  4. 4.   E.Goichot, Anamorphoses : le modernisme aux miroirs du roman, in Revue d'histoire et de philosophie religieuses, Université de Strasbourg, Vol 68, 1988/4.
  5. 5. Elle se réfère à l'idée de tradition qu'elle voit développée chez Malègue  dans le même sens que lui donnait Blondel, à savoir servir, par l'intermédiaire de toute la Tradition,  «  à nous faire atteindre, sans passer par les textes, le Christ réel qu'aucun portrait littéraire ne saurait épuiser ni suppléer.» (Maurice Blondel, Histoire et dogme. Les lacunes philosophiques de l'exégèse moderne, 1904. Reproduit dans Les premiers écrits de Maurice Blondel, PUF, Paris, 1956, pp. 149-228, p. 205). Voir Geneviève Mosseray, « Au feu de la critique », J. Malègue lecteur de M. Blondel » dans Bruno Curatolo (textes réunis par), Le chant de Minerve : Les écrivains et leurs lectures philosophiques, Paris, L'Harmattan coll. « Critiques littéraires », 1996.
  6. 6. Marcel Lefebvre (1905-1991) archevêque de Dakar et délégué apostolique pour l'Afrique française, devient en 1962 évêque de Tulle puis Supérieur général de la Congrégation du Saint-Esprit. Il s'oppose à plusieurs des textes de Vatican II, en particulier celui consacré à la liberté religieuse.  Il fonde en 1970 la Fraternité Saint-Pie-X et le séminaire international d'Écône avec l'autorisation de l'évêque de Fribourg. Cette autorisation lui est ensuite retirée. mais en 1976 ,  il ordonne des prêtres et est suspendu a divinis par Paul VI. On s'oriente vers un accord  avec Jean-Paul II pour que soit ordonné un évêque qui continue son oeuvre, mais finalement cette tentative de réconciliation échoue et il ordonne quatre évêques en  juin 1988.  Il est alors excommunié le lendemain par Rome. Il meurt en 1991 laissant derrière lui la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, implantée dans plus de cinquante pays sur les cinq continents. Malgré l'excommunication de 1988, les relations entre Rome et les héritiers de Mgr Lefebvre se maintiennent et en 2009, l'excommunication portant sur les quatre évêques sacrés est levée en 2009 par décret de la Congrégation des évêques.
  7. 7.  Jacques Vallery (1942-1987), est ce prêtre wallon du diocèse de Tournai qui révolutionna la façon d'envisager l'identité chrétienne, notamment des mouvements de jeunesse  ou des organisations catholiques en général, en estimant qu'elle ne pouvait le rester, éventuellement, qu'à travers une interrogation  sur la question du sens à propos de laquelle les responsables de ces mouvements auraient à prendre position, librement. Il avait fondé avec Yvonne Rousseau, psychanalyste athée, un lieu de rencontre intitulé « Brèche », lieu de rencontre entre croyants et incroyants. Les EVO ont publié un recueil de ses textes en 1989, intitulé Passages, paroles de sens, paroles de foi et préfacé par Jean Ladrière. José Reding écrivit à son propos dans la revue TOUDI (annuelle) n°2, un article Jacques Vallery, théologien d'un pluralisme radical,   repris comme introduction dans son livre intitulé Traversées, EVO, Bruxelles, 1992.
  8. 8. La Révélation, (Paul Ricoeur, Emmanuel Levinas, Edgard Haulotte, Etienne Cornélis, Claude Geffré), Publications des Facultés universitaires Saint-Louis, Bruxelles, 1984.