Universités et enseignement supérieur dans la note Marcourt

7 avril, 2012

Académie Wallonie-Europe

Elle regroupe présentement les Fac agronomiques de Gembloux et l'université de Liège

La Revue nouvelle publiait en mars dernier un numéro spécial, volumineux dossier sur les intentions du ministre de l'enseignement supérieur Jean-Claude Marcourt à propos de la réforme des universités et de l'enseignement supérieur ou plus exactement sur la façon de les regrouper dans la mesure, notamment mais pas seulement,  où le regroupement prévu par le décret Bologne n'a pas parfaitement fonctionné. En première page de la revue tout le dossier est intitulé Jean-Claude Marcourt, paysagiste de l'enseignement supérieur (La Revue nouvelle, 66e année, n° 3 , mars 2012, pp. 21-82).

Disons que l'Introduction et une Brève présentation de la note Marcourt en sont rédigées par Jean-Emile Charlier, une réflexion de David Urban, intitulée Du nouveau mais pas trop rédigée s'inspire d'un texte paru en 1958 dans La Revue nouvelle et signé par André Molitor, L'avenir de l'université. Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne ont écrit une analyse intitulée Tensions et contradictions consacrée à la Table ronde de l'enseignement supérieur qui s'est réunie  de janvier à mai 2010 et à partir de laquelle la note du ministre a été rédigée, Sarah Croché et Catherine Fallon en rédigent une autre concernant les implications de la note pour la recherche, Du laisser-faire au pilotage stratégique? , Jean-Emile Charlier et Frédéric Moens fermant la marche avec La tentation de faire une croix sur le passé.

Présentation de la note Marcourt : logique de liberté et logique territoriale

Avant d'en venir à la note elle-même, pointons ces quelques phrases de Donat Carlier dans l'édito du numéro spécial intitulé Comment sortir d'une usine à gaz ? : « Les institutions ne précèdent pas les sociétés qu'elles sont censées servir. Le problème, particulièrement côté wallon, reste que tout ce débat part encore trop unilatéralement des sphères politico-institutionnelles et ne se fonde pas suffisamment sur « la mobilisation des forces internes à la société ». » (p. 6, il cite un édito de L.Van Campenhoudt de février 2009) C'est évidemment un leit-motiv de la revue,  surtout quand elle a à traiter de quelque chose « particulièrement côté wallon » pour reprendre les mots paternels de Donat Carlier à l'égard d'un dossier dans lequel la Wallonie - comme enjeu -  n'apparaît tout simplement jamais ni explicitement ni même implicitement... Nous reviendrons sur ceci.

Jean-Emile Charlier dans l'introduction au dossier  souligne que la note Marcourt se fonde sur les débats de la table ronde sur l'enseignement supérieur tout en s'écartant de ses conclusions; que la création d'une Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES), proposée par la note Marcourt, touche autant la recherche que l'enseignement; que la note Marcourt aurait comme conséquence de découpler l'enseignement et la recherche. Il pense aussi que l'institution la plus désavantagée par les intentions ministérielles (serait-ce là un nouveau cas du vice rédhibitoire de tout ce qui se passe « particulièrement côté wallon » ?), serait l'UCL.

C'est dans l'article Tensions et contradictions que, nous semble-t-il, les choses prennent le mieux forme (mais ceci dit sans juger de la qualité des autres articles sur lesquels nous reviendrons). Le 31 mars 2004, le décret Bologne a organisé la recherche et l'enseignement universitaire en rassemblant les universités wallonnes et francophones en trois académies, autour de trois universités complètes, l'académie Wallonie-Bruxelles (ULB et Université de Mons), l'académie UCLouvain (UCL, Faculté ND de la Paix - FUNDP, Facultés universitaires Saint-Louis - FUSL) et l'académie Wallonie-Europe (Université de Liège ULg). Le ministre Marcourt veut regrouper  les universités de Wallonie en quatre pôles : Brabant wallon, Namur, Hainaut, Liège-Luxembourg auquel s'ajoute le pôle bruxellois, ce qui fait cinq pôles. « Les académies existantes sont fondées sur une logique de liberté d'association, le projet du ministre entend faire basculer l'enseignement supérieur dans une logique territoriale. » (p.47) Ces cinq pôles seraient en quelque sorte polarisés par cinq universités, Liège-Luxembourg, par l'Ulg, le Brabant wallon par l'UCL, le Hainaut par l'UMons, Namur par les FUNDP et le cinquième à Bruxelles par l'ULB. Les raisons de cela sont explicitées dans Brève présentation de la note Marcourt : l'offre d'enseignement demeure imparfaite principalement pour les étudiants ; les académies en dépit du processus de regroupent entamé n'ont pas été au bout du processus notamment en faveur de l'enseignement supérieur qui reste à l'écart de celui-ci ; il faut amplifier la démocratisation de l'enseignement, améliorer les synergies entre institutions, faire prévaloir une logique géographique sur une logique de réseaux ; garantir l'excellence de l'enseignement en Wallonie, assurer mieux sa visibilité internationale... (pp. 25-28) Le fait que l'UCL soit aussi présente à Bruxelles et que son « pôle » soit en Brabant wallon ne l'handicaperait pas. Expliquons le fonctionnement assez complexe des pôles :  un établissement est membre principal d'un  pôle quand son implantation principale est dans la zone géographique du pôle. Il en est membre à titre complémentaire quand il y possède une implantation fonctionnelle. S'il est membre à titre principal il a la possibilité d'habiliter des formations sinon, il doit le faire en codiplômation avec un établissement à titre principal ou s'il n'organise pas d'enseignement dans un domaine avec son accord. Mais l'UCL pourrait, à titre exceptionnel selon une correction de la note postérieure, développer cependant l'enseignement en matière de santé à Bruxelles comme si elle était membre à titre principal du pôle bruxellois.

Jean-Emile Charlier écrit curieusement que le « caractère douloureux » (c'est son expression) de cette concession de la deuxième mouture de la note de Marcourt est soulignée en gras dans le texte  corrigé de celle-ci.

Enjeux de cette note

Revenons maintenant aux tensions et contradictions (pp.46-56). La table ronde de l'enseignement supérieur en 2010 avait parlé de bien d'autres sujets que le paysage de l'enseignement supérieur, mais la note de Marcourt  ne parle que du paysage institutionnel, ce défaut qui existe « particulièrement côté wallon » comme la note - et l'émotion qu'elle suscite y compris à La Revue nouvelle -,  semblent le souligner. Mais est-ce un défaut ?

Pour la revue l'enjeu de cette note c'est de casser la logique des réseaux et celle de la liberté d'association (Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne, p.48). Admettons-le tout en rappelant le fait que les trois académies s'étaient regroupées selon une logique de réseaux qui devait aussi être celle de la liberté d'association, mais il faut le dire, simplement parce que c'est vrai, en raison plus de pesanteurs plus institutionnelles qu'autre chose, soit les  réseaux (libre confessionnel, libre non confessionnel, enseignement public). Ceux-ci ne nous apparaissant plus aujourd'hui comme reposent sur la « mobilisation des forces internes à la société » chère à l'éditorialiste de La Revue nouvelle. Mais ne cherchons pas la petite bête à cette revue (qui semble quand même marquée par les désavantages côté UCL d'une éventuelle application de la note Marcourt), car elle a aussi plaidé contre les piliers et c'est très traditionnel aussi chez elle. Elle précise que, lors de la table ronde sur l'enseignement supérieur, un processus de fusion était en cours, côté universités chrétiennes, entre la Faculté catholique de Mons (FUCAM), les FUNDP (de Namur), la FUSL (St Louis, de Bruxelles) et l'UCL. et que les FUNDP ont refusé cette fusion, craignant une absorption. La seule fusion réalisée l'a été entre l'UCL et les FUCAM de Mons (Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne, p.48).

La Revue nouvelle indique aussi que la note Marcourt reprend certes des éléments qui ont été avancés à la table ronde, mais pas nécessairement  avec un consensus. Selon la revue, le consensus s'était fait autour du rassemblement volontaire d'institutions autour soit des 3 académies, soit de 4 universités (UCL, ULB, UMons, Ulg) (p. 50), mais le regroupement de l'académie « chrétienne » n'a pas réussi  ce qui peut-être a facilité la rédaction de la note Marcourt dans le sens que nous allons voir. Ce qui va faire intervenir une cinquième université « polarisante » dans la note de Marcourt, les Facultés de Namur (FUNDP).

Il nous semble que si l'on lit attentivement le dossier de La Revue nouvelle, le consensus sur les regroupements volontaires travaillé par la logique de la liberté d'association n'exclut pas nécessairement un consensus au moins sous-jacent sur une toute autre  démarche : la logique territoriale propre à Marcourt.

La revue écrit que les avis étaient partagés sur la question de la préférence donnée par le Gouvernement de la Wallonie-Bruxelles à la logique territoriale de rassemblement géographique des institutions.  Mais que, nous la citons longuement : « un large consensus, qui n'a pas été pris en compte dans la note du ministre, se dégageait autour du principe de la liberté d'association à partir d'un projet  commun, ce qui peut s'interpréter comme l'expression de la volonté de chacun de conserver ses acquis, même si les contributions ultérieures ont permis de montrer les prises de position de certaines institutions. Ainsi l'UMons est entièrement favorable à un rapprochement géographique, même selon une adhésion forcée sous réserve de certaines conditions. L'ULB manifeste  sa volonté de casser la logique des réseaux alors que l'UCL, les FUCAM et  cinq HE [Hautes Ecoles] insistent sur la liberté d'association dont on peut supposer qu'elle est sous-tendue par la logique des réseaux. Il est d'ailleurs frappant que les FUNDP et les FUSL, ainsi que les sept autres HE liées au pôle universitaire de Louvain n'ont pas cosigné cette lettre. Cela laisse entrevoir que les avis sont partagés au sein de la constellation catholique. On se souviendra, pour attester ce point de vue, de la fusion avortée des quatre universités de l'académie UCLouvain. » (Miguel Souto Lopez et Philippe Vienne, p.55). Etrangement, en lisant le dossier de La Revue nouvelle, on ne voit pas de quelle « lettre » il s'agit (car il n'en est pas question ailleurs, ni dans l'article, ni dans le dossier). Mais on retient alors que, si « quelque chose » n'a pas été cosigné côté chrétien,  bien des institutions de la constellation catholique (toutes à vrai dire sauf l'UCL de Louvain-la-neuve et de Bruxelles et la FUCAM de Mons ), se sont trouvées en désaccord.

Nous dirions d'ailleurs que, même s'il n'y avait pas cette imprécision dans le texte sur la fameuse « lettre », on pourrait quand même avoir un autre sentiment, à sa lecture, que les conclusions qu'elle tire.  En effet, si l'ULB veut casser la logique des réseaux, si l'UMons est pour le rapprochement géographique, si l'on ne nous dit rien de la position de l'université de Liège et si les universités « chrétiennes » n'étaient pas d'accord entre elles on peut comprendre que Marcourt ait rédigé la note qu'il a rédigée, sur la base d'un consensus qu'il n'est pas interdit de supposer. Ainsi par exemple dans La tentation de faire une croix sur le passé (pp. 67-82), de Jean-Emile Charlier et Frédéric Moens, nous apprenons que « Le développement des facultés Saint-Louis [Bruxelles] serait contrôlé par l'ULB, mais la réforme pourrait leur être favorable. » (p. 75).  Il ne nous semble donc pas que « la seule université de tradition catholique qui ne tirerait que des avantages de la réforme » (pour reprendre la manière dont parle la revue), serait seulement celle de Namur (FUNDP), comme ils le prétendent dans le même paragraphe.

Enfin, il faut noter que l'ensemble du paysage de l'enseignement supérieur serait piloté par une ARES, Académie de recherche et d'enseignement qui jouerait le rôle d'une confédération de toutes les forces et institutions dans ce domaine, qui ne mettrait pas en cause l'autonomie des institutions actuelles mais qui n'aurait pas qu'un rôle honorifique.

Chiffrage de la note Marcourt

Toujours dans cet article La tentation de faire une croix sur le passé, Jean-Emile Charlier et Frédéric Moens (pp. 73-74) proposent des tableaux et des chiffres permettant de se faire une idée d'une application éventuelle de la note Marcourt. Nous reprendrons les deux plus importants.

La situation présente

* Nombre d'étudiants par université

UCL

23.449

30,46 %

ULB

22.018

28,60 %

ULG

17.718

23,02%

FUNDP

5.405

7,02 %

UMons

4.680

6,08 %

FUSL

2.489

3,23 %

FUCAM

1.214

1,58 %

 

TOTAL

76.973

100,00%


La situation au cas où la note Marcourt serait appliquée

* Nombre d'étudiants universitaires ou de l'enseignement supérieur par pôle

 

Bruxelles

50.901

32,36 %

Liège-Luxembourg

40.948

26,03 %

Brabant wallon

28.248

17,96%

Hainaut

24.441

15,53 %

Namur

12.742

8,10 %

Total

157.280

100

 

Nous ne dirions pas que des tableaux chiffrés seraient le dernier mot. Mais il est vrai que La Revue nouvelle ne les publie sans doute pas par hasard car ils font comprendre que dans l'organisation prônée par Marcourt, l'UCL en son Brabant wallon et à Bruxelles n'apparaît plus comme la première institution universitaire et supérieure de la Wallonie, sinon comme telle (la note ne prévoit aucune fusion ni absorption d'établissements à proprement parler), au moins dans une certaine visibilité de la nouvelle organisation de l'enseignement supérieur en projet. Dès lors,  La Revue nouvelle, proche de l'UCL (ce n'est pas du tout lui faire injure que de le relever), ne tombe-t-elle  pas dans ce défaut - « côté wallon particulièrement » - de donner la préférence à l'institutionnel sur la « mobilisation des forces interne à la société » ?

En fait, nous n'admettons pas cette séparation entre institution et société. Ce que Donat Carlier reproche au « côté particulièrement wallon » ne nous semble pas une approche pertinente.  En  effet la dynamique (et/ou la lourdeur), des institutions de même que la dynamique  (et/ou la lourdeur) de la société ne sont pas deux choses séparables. Si le membre de la rédaction d'une revue bruxelloise affecte - sans le vouloir probablement - ce petit « côté » paternaliste pour parler d'un autre « côté », (le « (particulièrement) côté wallon »), c'est que, effectivement, institutionnellement, des tendances lourdes dans la Belgique francophone placent plus au centre certaines institutions mieux cousines de la centralisation excessive du pays.

Le Walen Buiten a fait rentrer l'UCL en Wallonie mais lentement

Lors du Walen Buiten! en 1968 (Les Wallons dehors! cri des manifestations qui aboutirent à la scission de l'université entre une section flamande et  une section wallonne et francophone), des voix importantes s'étaient élevées (du côté du MUBEF, syndicat étudiant de François Martou entre autres, de Bernard Francq etc.), en vue de la localisation de la future section wallonne de l'UCL dans une grande ville de Wallonie qui ne pouvait pas être Liège et qui aurait pu être difficilement Charleroi, ville très socialiste,  au temps où le clivage laïques/chrétiens sur lequel reposent encore les réseaux  empêchait une telle localisation. Le destin de cette ville n'aurait-il pas été différent au cas où une université complète s'y était installée ? On a tendance à répondre par l'affirmative même s'il est toujours dangereux de raisonner avec les possibles. La logique territoriale voulue par JC Marcourt se justifie aussi en fonction des difficultés sociales qu'il y a à fréquenter une université quand on habite une région fort éloignée. Cela ne vaut « que » pour les familles les moins aisées évidemment, dont apparemment on ne s'est guère soucié en 1968, alors que sans doute la future Louvain-la-neuve se souciait pour mille raisons d'être proche non pas des grandes villes wallonnes, mais  de Bruxelles.

« Où est l'universel dans tout cela ? », pourra-t-on dire. Nous l'avons cherché dans le dossier de La Revue nouvelle dont il n'est certes nullement absent, mais il n'empêche pas que l'on se préoccupe aussi des ancrages locaux, ô combien ! Après tout, les chiffres du Professeur émérite Thysse qui veut fusionner la Wallonie et Bruxelles en enlevant à la première une partie de son territoire (le Brabant wallon), un peu  comme l'asbl Made in Wallonia, se donnent l'apparence d'une rationalité qui ne semble pas si éloignée que cela de la « mobilisation des forces internes à une société ». Mais cela à partir des chiffres qui entérinent la vieille domination de Bruxelles en Belgique. Donc cette « mobilisation interne » peut être aussi le faux-nez des pesanteurs sociologiques.

Durkheim dénichait partout, derrière les comportements réputés spontanés, étrangers au social apparemment,  y compris dans les drames en apparence les plus individuels, des phénomènes qui n'étaient que la résultante de forces sociales anonymes.  Il ne faut pas donner des leçons anti-institutionnelles aux Wallons quand le poids institutionnel de la Belgique antique et centralisée, toujours vivante,  vous dispense d'en appeler aux « mobilisations des forces internes »  et vous permet de reposer la tête sur le mol  oreiller des conformismes belges. Au fond, la note Marcourt pourrait être lue aussi, même si Bruxelles y prédomine encore, comme une correction de la trop grande centralisation de l'enseignement supérieur et universitaire à Bruxelles autour du  binôme classique de l'ancienne Belgique ULB-UCL. Liège qui avait été complètement marginalisée dans le système des académies retrouve un poids qui se compare à celui de Bruxelles. Namur et le Hainaut prennent consistance.

On le trouve l'universel dans ce dossier lorsqu'il est question de la Faculté de la théologie de l'UCL, quand il y est dit que la seule université habilitée à organiser un enseignement de ce type c'est elle. On n'est pas des laïcardistes le couteau entre les dents. On a reçu ce jour l'extraordinaire ouvrage de Camille Focant, professeur à l'UCL, L'Evangile de Marc, une somme de près de 700 pages qui s'est imposée au plan international comme la meilleure étude sur le sujet, un monument de culture, de foi et de raison. Notamment sur l'évangile de la veillée de Pâques 2012.

Une université pour la Wallonie ?

Et l'universel se lie au particulier,  aux ancrages locaux, à l'universel concret d'un peuple à qui les professeurs de toutes les universités font la leçon dans les médias depuis des années et des années sans que ce peuple sache au fond s'il est soutenu par ces universités dont La Revue nouvelle nous conte la complexité extrême des assemblements et désassemblements  sans nous dire exactement à quoi cela va servir ici et maintenant c'est-à-dire aussi en Wallonie. Car, il faut le répéter : comme souvent quand il est question d'université ou simplement d'enseignement,  nous voyons des gens (tant de l'universitaire et supérieur que du secondaire), estimer que ce serait eux la finalité.  Or c'est  la société qui  leur a confié cette tâche (assortie de ses privilèges incontestables). Puisque la Wallonie n'a plus que dix ans pour s'en sortir, comme on le répète sur tous les tons et à toutes les tribunes, il est légitime de poser la question de savoir si les propositions de Marcourt ne mettent pas mieux l'université au service des jeunes de Wallonie. On regrettera à cet égard que dans le dossier de La Revue nouvelle presque tout ne soit vu qu'en fonction des intérêts des universités et de l'une d'entre elles en particulier. Le cadre - la Wallonie d'abord , Bruxelles ensuite - dans lequel ces universités travaillent et qui les nourrit, il est normal qu'il en attende aussi quelque chose. L'universalisme d'une université ouverte sur le monde qui, pour cette raison, dédaignerait son ancrage wallon, ne serait plus crédible. Or c'est vrai que lorsque l'on parle, par exemple,  de régionalisation de l'enseignement, souvent,  dans le monde enseignant la question est posée  d'abord de savoir quel en sera l'impact sur l'enseignement, comme si l'enseignement n'avait pas aussi un service à rendre à la société qui le lui confie cette tâche avec les privilèges qui lui sont attachés. Bref qu'il s'agisse de l'enseignement secondaire, de l'enseignement universitaire ou de l'enseignement supérieur, ces institutions se considèrent trop souvent comme une fin en soi, peut-être comme toutes les institutions. Et ne venez surtout pas leur parler de la Wallonie... Pourtant, du monde académique, nous arrivent souvent des leçons sur la Wallonie, particulièrement en ce moment où tout le monde se dit qu'elle n'a plus que dix ans pour se préparer à en sortir  seule. Alors ?

Le modèle de la relation entre une université et la société qui l'environne ne devrait-il pas être celui de l'université de Liège et de Liège ? Ce qui a été publié récemment sur le sujet incline à le penser. 1

Ceci dit, le dossier de La Revue nouvelle aborde également toute une série de questions importantes comme le lien entre la recherche et l'enseignement, la question de l'enseignement supérieur artistique, la question de l'enseignement de promotion sociale, deux enseignements qui pourraient craindre d'être marginalisés dans le remue-ménage actuel.

 

 

 


  1. 1. Critique : Le tournant des années 1970. Liège en effervescence (Nancy Delhalle, Jacques Dubois, Jean-Marie Klinkenberg)