L'Union européenne : « un espace de sécurité, de liberté et de Justice » ?

Toudi mensuel n°63-64, mai-juin 2004
2 janvier, 2009

Les Traités de Rome de 1957 instituant la Communauté économique européenne de l'énergie atomique (CECA) et la Communauté européenne (CEE) avaient créé une communauté de droit, cependant, ils mettaient à l'écart le droit pénal.  La jurisprudence de la Cour de Justice avait créé une primauté du droit communautaire , mais laissait aux législations nationales la tâche de défendre les intérêts communautaires. Le projet de formation d'un espace judiciaire européen avortera suite à l'échec de la création d'une Cour pénale européenne et l'abandon, en 1980, du projet de convention de coopération pénale.1 Les accords de Schengen de 1985 ainsi que la Convention d'application de 1990 constituent bien un renfort de la coopération judiciaire, mais dans un espace restreint à 5 pays.

 

Suite à l'échec de la coopération judiciaire au niveau de l'Union européenne, les conventions du Conseil de l'Europe constituent la base des relations judiciaires entre les Etats membres. Les textes de l'Union constituent le plus souvent une simple adaptation de ceux du Conseil de l'Europe.

Les travaux, entamés dans le cadre de la coopération politique de l'Europe des 9 puis de l'Europe des 12, afin de renforcer ces instruments, n'ont pas abouti, suite au refus des Etats nationaux d'y donner suite. Il faut attendre les directives communautaires de 1989, en matière de délit d'initié et de blanchiment de capitaux de 1991, pour entrevoir un début de droit communautaire en matière pénale. Cependant, le traité de Maastricht, signé le 7/2/1992,   marque au contraire un retour à la méthode intergouvernementale. La primauté du droit communautaire, instauré au sein de l'Europe des six, est absente du traité de Maastricht ainsi que de celui d'Amsterdam.

 

Un espace judiciaire européen ?

 

Le Traité d'Amsterdam ,signé le 2 octobre 1997, a  inscrit la création d'un « espace de liberté, de sécurité et de Justice » au nombre des objectifs de l'Union.  A travers la création d'un espace judiciaire européen, cette notion « d'espace de liberté sécurité et justice » engage  l'ensemble de la question de la protection des droits fondamentaux et de la garantie juridictionnelle de ceux-ci. Elle pose la question du maintien d'un Etat de droit, tant au niveau européen que au niveau des Etats membres.

 

La notion d'espace judiciaire qui ressort du Traité d'Amsterdam est un simple cadre institutionnel visant à mettre en œuvre une action commune des Etats membres dans le domaine de la coopération judiciaire et policière. Comme le précise le Plan d'Action du Conseil et de la Commission du 3 décembre 1998, « il ne s'agit pas de créer un espace de sécurité européen reposant sur un territoire commun unifiant les procédures d'investigation ». Les prérogatives des Etats nationaux restent intactes. « Les nouvelles dispositions ne touchent pas non plus aux responsabilités qui incombent aux Etats membres de faire respecter l'ordre public et la sécurité intérieure. »2

La solution développée par le Traité d'Amsterdam s'appuie sur la coopération intergouvernementale et renonce ainsi à la mise en place d'un véritable espace judiciaire commun. Elle préserve l'indépendance des systèmes pénaux nationaux et préconise seulement une harmonisation minimale de la politique criminelle.

 

La reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires.

 

Deux possibilités sont bien tracées dans le Traité d'Amsterdam pour mettre en place cet espace judiciaire européen : l'harmonisation progressive des législations des Etats membres et  la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires. Cependant, la seconde solution est privilégiée. Le Conseil européen de Tampere en octobre 1999 confirme cette orientation et indique que la reconnaissance mutuelle des décisions de Justice devait devenir « la pierre angulaire de la coopération judiciaire tant civile que pénale ».

Les deux alternatives sont cependant loin d'être équivalentes. Si l'harmonisation des législations renforce la primauté de la loi dans les rapports entre Etats membres, la seconde solution, la reconnaissance mutuelle des décisions, renforce la domination de la procédure sur la loi proprement dite. Au lieu d'aboutir à l'unification des Codes pénaux des Etats membres, cette deuxième voie  permet la mise en place d'un espace judiciaire qui laisse subsister les disparités existantes entre les systèmes pénaux.

 

La reconnaissance mutuelle a pour objet de se substituer à la coopération judiciaire traditionnelle en matière pénale. Celle-ci repose sur le « principe de requête ». Un Etat souverain présente une demande à un autre Etat souverain qui décide alors de lui donner suite ou non..  Arguant que ce système est lent et complexe, la Commission a fait valoir que la coopération judiciaire pourrait tirer parti de la notion de reconnaissance mutuelle. Celle-ci signifie que lorsque une décision est prise par un juge dans l'exercice de ses fonctions dans un Etat membre, elle serait automatiquement acceptée dans tous les autres et aurait des effets identiques, ou du moins analogues, dans tous ces pays. La reconnaissance mutuelle est un principe « reposant sur l'idée que, même si un Etat membre peut ne  pas traiter une affaire donnée de façon identique, voire analogue à son propre Etat, les résultats sont tels qu'ils sont considérés comme équivalents aux décisions de ce dernier »3.

Une coopération intergouvernementale.

La construction européenne repose sur trois piliers relativement autonomes. Le premier, le pilier communautaire, est composé des trois traités: le traité instituant la communauté européenne(CE), le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l'acier(CECA) et le traité instituant la communauté européenne de l'énergie atomique(CEEA), modifié par le Traité de Maastricht. Il fonctionne selon la méthode de l'intégration. Le deuxième pilier comprend la politique étrangère et de sécurité commune(PESC). Le troisième pilier ne contient plus que la coopération judiciaire et policière en matière pénale. Le Traité de Maastricht a introduit dans le premier pilier des matières liées à la libre circulation des personnes qui faisaient jusqu'alors partie du troisième pilier.

Les deux derniers piliers fonctionnent selon la méthode de la coopération intergouvernementale.

 

Le Traité de Maastricht a introduit la coopération judiciaire et policière dans la construction européenne. L'insertion des matières policières et judiciaires devait accompagner la libre circulation des personnes, suite à la disparition des frontières intérieures.

Les coopérations judiciaires et policières sont exclues du domaine communautaire et  incluses dans le 3ième pilier, qui fonctionne selon la méthode de la coopération intergouvernementale. La méthode intergouvernementale du 3ième pilier est une généralisation du type de collaboration mise en place par les accords de Schengen. Elle prolonge les mécanismes de coopération qui lui préexistaient et n'a en rien modifié les compétences des Etats souverains.

Les institutions communautaires, telle que la Commission, le Parlement européen ainsi que la Cour de Justice en sont exclues. A l'inverse du pilier communautaire, la Commission ne possède aucun droit d'initiative. Quant au Parlement, son pouvoir est limité à recevoir « une information régulière » et à l'obligation du Conseil et de la Commission de « prendre en considération » son point de vue.

L'organisation du 3ième pilier reproduit celle du système Shengen. Déjà, la participation des institutions communautaires au système Schengen était limitée. La Commission avait la possibilité d'assister aux réunions du Comité exécutif en qualité d'observateur. Le Parlement européen a d'abord été maintenu à l'écart de ce système Puis, ensuite, tous les six mois, il a reçu de la part de la présidence Schengen une information sur quelques questions principales. De plus, aucun rôle n'était prévu pour la Cour de Justice.

 

La structure en piliers fit éclater l'unité juridique de la Communauté. « Le 3ième pilier concernant au premier chef les libertés fondamentales et les droits des citoyens, fut érigé en zone de non-droit. Le Parlement en fut pratiquement exclu, c'est à dire, avec lui, le débat public et le contrôle démocratique. La Cour de justice en fut exclue, c'est à dire le contrôle judiciaire du respect des libertés des citoyens européens. Il n'était plus possible de parler de communauté de droit ».4

La création des piliers a eu pour effet, non seulement d'accentuer l'éclatement du pouvoir exécutif,  mais de la fonction exécutive dans son ensemble. Le morcellement de la fonction de représentation de l'Union en est un bon exemple.

L'éclatement du pouvoir exécutif ne consiste pas seulement dans la dualité Commission- Conseil mais aussi dans la division du Conseil lui-même « en une vingtaine de formations que le Conseil des Affaires étrangères ne parvient pas à coordonner. »5 Ce choix permet aux gouvernements nationaux de conserver un rôle prépondérant dans la conduite des politiques de l'Union.

 

Si formellement le 3ième pilier est construit sur le modèle du 2ième consacré à la politique étrangère et de sécurité commune, le 2ième pilier fait mention du caractère obligatoire de certaines dispositions, ce qui n'est pas le cas du 3ième. En ce qui concerne celui-ci, « les Etats demeurent maîtres du degré de coordination qu'ils entendent donner à leur coopération et il importe au coup par coup, réalisation par réalisation, d'affirmer ou non l'existence d'une obligation et son étendue. »6

Le 3ième pilier permet aux Etats membres de travailler ensemble sans s'assigner d'objectifs précis. Cependant, ces Etats ont été plus préoccupés de la délimitation de leurs compétences que de la réalisation d'un projet commun.

Une coopération à la carte.

 

Le Traité d'Amsterdam en 1997 incorpore dans le premier pilier tout l'acquis de Schengen. Cela a permis de « communautariser » certains matières : visa, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes tandis que le 3ième pilier, qui fonctionne selon la méthode intergouvernementale, continue de régir les matières de la coopération judiciaire et policière.

Alors que la communautarisation des matières concernant la circulation des personnes fut justifiée au nom de l'homogénéisation des mécanismes d'intégration, il fut introduit un mécanisme de flexibilité qui autorise des coopérations renforcées entre les Etats membres qui le désirent. Cette communautarisation fut réalisée grâce à des limitations des  pouvoirs des institutions du 1ier pilier par la concession de dérogations et de statuts spéciaux à certains Etats membres. Le Royaume-Uni et l'Irlande ne sont pas liés par l'acquis de Schengen. Cependant,  ils peuvent à tout moment demander de participer à tout ou à une partie de l'acquis. Cette demande est subordonnée à un accord unanime des autres Etats. Ils peuvent adopter toutes les mesures « compensatoires », notamment la participation au Système d'Information Schengen, sans abolir leurs contrôles aux frontières. Ainsi, l'application de ces mesures sécuritaires, justifiées par l'abolition des frontières internes, deviennent  une fin en soi.

 

Le fait que certains pays tels que le Royaume-Uni, l'Irlande et le Danemark puissent ne pas être liés par des mesures prises dans le cadre du 1ier pilier est une remise en cause de l'ordre juridique communautaire.. Cette possibilité institutionnalise une dualité de conception en ce qui concerne la circulation des personnes et l'abolition des contrôles aux frontières.

 

Le mandat d'arrêt européen.

La Décision-cadre  du Conseil des ministres de l'Intérieur et de la Justice du 6 décembre 2001, relative à la création d'un mandat d'arrêt européen, qui est entré en vigueur le 1er janvier 2004, s'inscrit dans ce principe de reconnaissance mutuelle. Il en étend considérablement le champ. La  Décision-cadre concerne non seulement les individus déjà jugés mais également ceux qui sont  recherchés.

Chaque autorité judiciaire d'un pays membre reconnaît et exécute automatiquement, moyennant des contrôles minimum, la demande de remise d'une personne formulée pas une autorité judiciaire d'un autre Etat membre. Ce mandat pourra être émis pour des infractions pouvant donner lieu, dans l'Etat d'émission, à une peine d'au moins 3 ans. Une liste, non exhaustive, compte 32 incriminations dont le terrorisme, la cybercriminalité, la fraude, le blanchiment, la corruption, la traite des êtres humains, l'homicide volontaire et le racisme.

 

Le mandat européen se substitue à la procédure normale d'extradition qui repose sur l'exigence de la double incrimination. L'extradition n'est possible que si le fait poursuivi constitue un délit, tant dans le pays qui demande la remise de la personne que dans le pays sollicité. Le mandat européen abandonne cette exigence, il suffit que le comportement mis en cause constitue une infraction dans le pays demandeur.

Un autre changement important est l'abandon du principe  de spécialité. Dans la procédure actuelle d'extradition, la personne remise ne peut être poursuivie que pour les délits explicitement mentionnés dans la demande. Avec le mandat d'arrêt européen, le pays demandeur n'est plus lié par la qualification donnée dans le mandat.

 

La mise en place d'un mandat européen repose sur la confiance mutuelle dans les systèmes pénaux  des Etats membres. Il est posé, à priori,  que ces systèmes s'appuient sur les principes de liberté, de démocratie et d'Etat de droit. La mise en œuvre des mandats ne peut être suspendue «qu'en cas de violation grave et répétée par les Etats membres des droits fondamentaux »7. L'existence d'un Etat de droit ne résulterait plus de la mise en place de mécanismes de contrôle des actes du pouvoir mais de la légalité présupposée de ceux-ci. En matière de reconnaissance mutuelle « la confiance mutuelle est déterminante, en ce qui concerne non seulement le caractère approprié des règles des partenaires, mais aussi l'application correcte des règles ».8

 

Le mandat européen n'induit pas une unification des législations et des procédures pénales, il permet au contraire la coexistence de profondes disparités entre les Etats membres. Il en est de même en ce qui concerne la définition adoptée par l'Union européenne de l'acte terroriste. Dans la création d'une incrimination spécifiant l'acte terroriste, l'essentiel réside dans l'adoption de règles de procédure pénale qui dérogent au droit commun. Il s'agit moins d'unifier les législations nationales que de justifier l'utilisation, différente dans chaque Etat membre, de procédures exceptionnelles.

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Une incrimination commune du terrorisme

 

Le 6 décembre 2001, le Conseil des ministres de la Justice et de l'Intérieur a adopté une Définition-cadre qui définit comme infraction terroriste « les actes intentionnels qui, par leur nature ou leur contexte, peuvent porter gravement atteinte à un pays ou à une organisation internationale » quand « l'auteur les commet dans le but de gravement intimider une population » ou de « contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s'abstenir d'accomplir un acte quelconque » ou enfin de « gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d'un pays ou d'une organisation internationale ».9

Ces infractions peuvent être « le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure..., à un lieu public ou une propriété privée, susceptible de mettre en danger des vies humaines ou produire des pertes économiques considérables ».

Cette définition est vague et permet ainsi une interprétation très large. Toute action sociale d'opposition a pour effet d'intimider une partie plus ou moins importante de la population  et a pour but de contraindre le pouvoir à poser certains actes ou de ne pas les poser. Les termes « graves » ou « indûment »sont purement subjectifs et n'apportent aucune précision objective pour qualifier l'acte.

Les notions de déstabilisation et de destruction des structures économiques ou politiques d'un pays permet  d'attaquer de front les mouvements sociaux. C'est avec ces arguments que, début des années 80,  Margaret Tatcher tenta d'appliquer la loi antiterroriste à la grève des mineurs.

 

La Convention du Conseil de l'Europe pour la répression du terrorisme, signée à Strasbourg en 1977, permet d'exclure l'application de la clause traditionnelle de refus d'extradition pour infraction politique à certaines infractions telles que l'enlèvement ou la prise d'otage . Cette Convention repose sur l'idée que « certains crimes sont tellement odieux, de par la méthode employée ou leurs résultats par rapport à leurs mobiles, qu'il n'est plus justifié de les ranger dans la catégorie des infractions politiques »10 Cette Convention qui a été ratifiée  par les Etats membres de l'Union européenne se limite à une énumération d'actes, sans développer d'élément intentionnel. La Décision-cadre procède autrement. Elle construit un élément moral de l'infraction sur base d'une définition large qui fait de la déstabilisation de Etat une spécification du terrorisme. Ce qui enlève automatiquement son caractère d'exception politique à une infraction commise dans une lutte plus ou moins radicale contre le pouvoir.

 

Le caractère liberticide du texte est tellement apparent que, en annexe, il est stipulé que « rien dans la Décision-cadre ne peut être interprété comme visant à réduire ou à entraver des droits ou libertés fondamentales tels le droit de grève, la liberté de réunion, d'association ou d'expression, y compris le droit de fonder avec d'autres des syndicats et de s'affilier pour la défense de ses intérêts et le droit de manifester qui s'y rattache »11 Mais il ne s'agit là que d'un engagement sans force juridique qui laisse libre chaque Etat membre de mener la politique pénale de son choix.

 

L'espace judiciaire européen : une extension des pouvoirs nationaux.

 

L'instrument utilisé pour la création du mandat d'arrêt européen et de la définition de l'infraction terroriste, indique la volonté d'aboutir rapidement. Selon les termes de l'article 34 du Traité de l'Union européenne,  La Décision-cadre « lie les Etats membres quant aux résultats à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ». Elle ne produit pas d'effet juridique direct et nécessite  une modification des législations nationales. Au contraire des Conventions, les Décisions-cadres n'imposent pas qu'un certain nombre d'Etats membres aient inscrit ces dispositions dans leur législation pour pouvoir fonctionner.

 

Ces deux Décisions-cadres ont pour résultat d'étendre la souveraineté des Etats membres en matière pénale à l'ensemble du territoire de l'Union européenne, tout en supprimant les différents contrôles, politiques et judiciaires, de la légalité de leurs actes.

Ce double niveau de contrôle dans la procédure d'extradition est non seulement une garantie pour la sauvegarde des libertés fondamentales mais aussi un moyen de pression pour que les législations des pays membres ne s'écartent pas fondamentalement de ces principes considérés comme un acquis commun. L'adoption du projet de mandat européen est donc une remise en cause de ces libertés et du fait que la défense de l'Etat de droit serait un élément fondateur de la mise en place d'un espace judiciaire commun.

L'abandon du principe de spécialité montre  que l'adoption de ce projet vise à donner aux autorités nationales une plus grande latitude dans la poursuite de leurs ressortissants. Dans la procédure classique d'extradition, la personne ne peut être poursuivie que pour les délits mentionnés dans la demande et acceptés par le pays qui extrade. Avec la nouvelle procédure, le pays demandeur n'est plus lié par la qualification inscrite dans le mandat. L'objectif semble bien de permettre aux autorités nationales de faire ce qu'elles veulent, ce qui ne va pas précisément dans le sens de la formation d'un espace judiciaire européen.

Cette procédure, au lieu de pousser les Etats membres à harmoniser leurs législations, permet au contraire à celles-ci de se développer dans un sens différent.

 

Ces deux décisions-cadres permettent la coexistence de systèmes pénaux et de procédure pénale différents dans l'Union européenne Ce résultat est en parfaite concordance avec le type de coopération judiciaire et policière à géométrie variable, mise en place par les accords de Schengen.

Si l'Etat national est en crise, il n'est pas destiné à disparaître, il de réorganise autour de ses dernières prérogatives: la justice et la police, le contrôle des individus et le maintient de l'ordre. Ainsi, la construction européenne n'a pas pour but de transférer ou de récupérer, au niveau de l'Union, les prérogatives perdues au niveau national. Elle n'entre pas en concurrence et ne constitue pas une alternative par rapport au nouvel ordre mondial. L'Union européenne est ainsi en rupture avec l'Europe des six, qui avait pour ambition de construire un pôle de développement relativement abrité du marché mondial.

Le projet de constitution composée basée sur le principe de "subsidiarité", de complémentarité entre les institutions communautaires et institutions nationales, ne peut être considérée comme une émanation de la souveraineté du ou des peuples. Au contraire, la souveraineté européenne procède par délégation de pouvoirs des Etats nationaux vers les institutions communautaires.

La manière dont se met en place « l'espace de sécurité, de liberté et de Justice » est emblématique de la construction européenne. La mise en place d'un espace judiciaire commun n'est pas le mode d'organisation de la société civile par un organe européen souverain. Elle résulte d'une articulation entre les intérêts nationaux des Etats membres avec les recommandations des institutions internationales telles que le Conseil de l'Europe ou les Nations Unies ainsi que les exigences américaines en matière de lutte contre la criminalité informatique ou le terrorisme.

  1. 1. Jean-Baptiste Avel, « Le développement de la coopération judiciaire européenne », Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n°445, février2001.
  2. 2. Journal officiel des Communautés européennes, C19 du 23 janvier 1999, p.3.
  3. 3. « Reconnaissance mutuelle des décisions finales en matière pénale », op. cit., p.4
  4. 4. Jean-Pierre Cot, « Les conditions politiques de l'unité du droit européen », Revue du Marché commun et de l'Union européenne, n°438, mai200, p.304.
  5. 5. Op. Cit., p. 298.
  6. 6. Henri Labayle, « La coopération européenne en matière de justice et d'affaires intérieures et la Conférence intergouvernementale », Revue trimestrielle de droit européen, n°1 1997, p.20.
  7. 7. Proposition de la Commission 561 PCO522.htm. p. 24.
  8. 8. Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen du 26/7/2000, « Reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale, COM(2000) 495 final, p.4
  9. 9. Conseil de l'Union européenne, 1485/01 Droipen 103 Cats 49, p.8
  10. 10. Convention du Conseil de l'Europe, rapport explicatif, p. 5.
  11. 11. Conseil de l'Union, op. cit., p.4.