Le néolibéralisme et "La Belgique endettée" de X.Dupret (I)

12 septembre, 2012

Xavier Dupret publie ce livre en mars de cette année aux éditions Couleurs livres où l'on peut se le procurer pour la somme de 14 euros. On ne peut que recommander la lecture du livre qui fourmille de renseignements que nous glanerons au long de deux lectures

Quelques grands constats

L'Etat s'affaiblit face aux acteurs privés de la finance. Alors que, dans les années 1980 et 1990, la dette publique belge était encore détenue par des résidents. Ce n'est plus le cas aujourd'hui ce qui fragilise l'Etat belge (p. 7). Contrairement à une idée qui a été répandue au moment où l'Etat recapitalisa les banques en 2008 et 2009, l'Etat belge ne touche guère les dividendes des parts dont il s'est rendu possesseur (p.13).

L'augmentation des dépenses sociales en cumulant les années 2008 et 2009 se monte à un total de 10,4 milliards d'euros. Le plan de relance a mobilisé en 2009 et 2010 8 milliards d'euros. Le poste « autres dépenses » de 2009 laisse apparaître un montant de 6,9 milliards d'euros. Mais par rapport à cela les recapitalisations bancaires, représentent presque plus soit 25,84 milliards d'euros. Curieusement, il arrive que l'on rende encore responsable les dépenses sociales des difficultés financières du pays, comme le fit Bruno Colmant dans L'Echo du2 septembre 2011. C'est oublier par exemple que de 1993 à 2007, sans aucun abandon des dépenses de l'Etat social, la dette publique belge est passée de 134% du PIB national à 84% de ce même PIB.

La politique des bas taux d'intérêt de la BCE n'a vraiment aucun effet, les crédits des banques diminuent. Pour Eric De Keuleneer cité p. 24 : « Les politiciens sont victimes du chantage des banques et de leur méconnaissance des rouages financiers. Ils confondent sauver les déposants et sauver les banques. Ce n'est pas la même chose. On peut protéger sans subsidier les bénéfices de l'autre. On a eu tort de sauver les banques  sans en exiger des réformes de fond... » 1 Par ailleurs l'exemple historique du New Deal le démontre, un taux directeur bas comme celui de la Réserve fédérale à l'époque (1%), ne relance rien.  Il faut que l'on y a joute le soutien à la demande privé par les commandes des pouvoirs publics. Roosevelt n'hésita pas non plus à séparer banques de dépôts et banques d'investissement que le néolibéralisme a à nouveau réuni. Les bas taux d'intérêt permettent aux banques de couvrir leurs pertes dans le domaine de l'investissement par des placements spéculatifs.

L'austérité inutile

Dans son rapport annuel sur la situation sociale dans le monde l'ONU estime : « Les mesures d'austérité prises par certains pays comme la Grèce et l'Espagne face à un endettement public excessif non seulement menacent l'emploi dans le secteur public et les dépenses sociales, mais rendent la reprise plus incertaine et fragile.2 Les chiffres le confirment (p.30). Pendant deux années, la Belgique, privée de gouvernement, a connu une bonne tenue de sa croissance économique ce que certains expliquent par l'absence de politique d'austérité du fait de l'absence d'un gouvernement pouvant la mettre en œuvre, même le Financial Times du 17 août 2011.

Il ne faut pas oublier que, contrairement à la Réserve fédérale américaine, la BCE est « mandatée exclusivement pour maintenir la stabilité des prix sans autre forme de considérations pour la croissance et l'emploi » (p.68). C'est ce que faisait remarquer Jean-Marc  Ferry dans le numéro 4 du journal République de 1992 : « Dans le système actuel, des banques centrales vont avoir un rôle disciplinaire très important pour faire respecter les équilibres, pas seulement sur les taux de change mais aussi les coûts salariaux, les prix, l'équilibre de la balance des paiements courants. Ce pouvoir de discipline repose sur des base doctrinales monétaristes qui font aussi la religion du FMI lequel impose aux pays endettés du tiers-monde des politiques de "vérité", d'austérité. Pour nos pays encore relativement confortables passe encore, mais il est étrange de demander à des gens au seuil de la pauvreté de produire des efforts pour rétablir l'équilibre... La banque centrale a la même conception que le FMI. L'union monétaire est réalisée mais pas sur les bases envisagées par Michel Albert. Les outils à la disposition de la CE on n'en fait pas l'usage qu'il préconisait. C'est un peu triste pour les Européens de l'Ouest mais pire encore pour ceux de l'Est. Il n'est certainement pas question pour les responsables de faire preuve, vis-à-vis de l'Est, de générosité keynésienne. Si l'on évalue les besoins de la Russie en prenant comme critères les efforts financiers que l'Allemagne de l'Ouest a consentis pour l'ex-RDA, c'est scandaleusement dérisoire, toutes proportions gardées. Et c'est grave parce que ces pays doivent passer à d'autres régimes et qu'ils ont été habitués à des formes d'Etat social. Même si les élites dirigeantes sont acquises aux dogmes libéraux, on aura beau leur chanter « liberté », « liberté » ! ils penseront surtout « solidarité ». Les Polonais nous reprocheront de les laisser tomber; ce à quoi les responsables français sont habitués... »3

Etrangement,  c'est encore le même raisonnement que tient The Guardian cité p. 68 : « L'union monétaire (...) est un projet indiscutablement de droite. Si on ne s'en est pas rendu compte au début, on devrait en avoir malheureusement pris conscience maintenant que les économies les plus faibles de la zone euro subissent le traitement punitif qui était auparavant réservé aux économies du Tiers-Monde prises dans l'étau di Fonds monétaire international (FMI) et de ses dirigeants du G7. Au lieu d'essayer de sortir de la récession grâce aux incitations fiscales et/ou monétaires, comme la plupart des gouvernements l'ont fait en 2009, ces gouvernements  sont forcés de faire le contraire au prix d'un énorme coût social (...) pendant que les banques sont renfloués par les contribuables. » 4

Une zone euro qui a créé les déséquilibres

Une zone monétaire comme l'Europe ne permet pas un déplacement facile des facteurs de production dont le travail et le capital. Dans une telle zone,  lorsqu'un pays est plus frappé par une récession qu'un autre, il connaît une baisse de la production, un déséquilibre de sa balance des paiements et une hausse du chômage. Tandis que l'autre, est marqué par   un excès de production et un excès de sa balance des paiements (p.69). En Europe, il existe deux sortes de pays, ceux de l'Europe du Nord (Allemagne, Pays-Bas, Autriche), qui ont choisi un model industriel exportateur et les pays du Sud avec leur modèle de consommation comme en France tiré par la demande publique (p.69). Les pays du Sud de l'Europe (France, Grèce, Italie, Espagne, Portugal), voient se produire une détérioration constante de leur balance des opérations courantes (elle se calcule en additionnant les soldes  de la balance commerciale, des salaires, revenus, services, transferts... En Grèce avant l'euro, mes taux dont cet Etat devait s'acquitter étaient de 12%. Bénéficiant de l'euro, le pays a vu ces taux diminuer fortement jusqu'à 2,7 %. Logiquement les particuliers et l'Etat se sont endettés créant ainsi des parts de marché à l'industrie allemande. Les industries du Sud, en raison de la politique de l'euro fort sont de moins en moins compétitives. Xavier Dupret n'hésite pas  à conclure : « La progression de l'endettement va frapper tous les pays de la zone euro qui ont en partage un langue latine et/ou la Méditerranée. » (p.72)

Voir suite "La Belgique endettée" (II) : ruine économique et néolibéralisme


  1. 1. Trends-Tendances, 27 janvier 2011.
  2. 2. Cité par Le Figaro, du 29 juin 2011
  3. 3. Europe, démocratie, nations 
  4. 4. The Guardian, 11 juillet 2011.