Dérapages antiwallons

11 février, 2016

Nous sommes à l'heure où une journaliste pose à la ministre fédérale de l'énergie la question de savoir combien d'entreprises wallonnes sont liées aux éoliennes de la Mer du Nord (JT de la RTBF du 10 février) et où celle-ci (ce qui était probablement voulu), n'arrive pas à répondre parce que en réalité ce projet qu'elle soutient ignore la Wallonie.  Les convictions wallonnes ont toutes les chances de se relancer comme jamais en raison de la prodigieuse erreur de Charles Michel. Il forme un gouvernement dont les libéraux les plus lucides et les Flamands les plus intelligemment généreux savent qu'il va démontrer le dysfonctionnement grave de l'Etat belge à l'égard de la Wallonie et même de Bruxelles. Pourquoi se plaindre alors? Parce que le combat n'est pas terminé et parce que la Wallonie doit occuper le rang qui est le sien en Belgique francophone, c'est-à-dire le premier, et autrement que par la fausse préséance que lui donne la fausse fédération dite Wallonie-Bruxelles, plus fausse encore que la formule dite de la solidarité de la Wallonie et de Bruxelles seulement possible si la Wallonie se distingue complètement de la grande agglomération francophone autant que de la Flandre. L'entente est à ce prix. Comme avec les Germanophones.

L'occasion en est cette réponse amicale mais très ferme à La Revue nouvelle.

Joëlle Kwaschin a écrit un éloge funèbre de Jean Louvet sous le titre Jean Louvet (1934-2015) dans La Revue nouvelle. Le texte est plus long que ces deux paragraphes évidemment et est tout à fait judicieux et élogieux pour Jean. Mais pourquoi avoir évoqué cet incident auquel Toudi et moi-même avons été mêlés ? En voici la teneur.

Le dérapage à La Revue nouvelle

« A La Revue Nouvelle, nous entretenions un lien fait d’amitié, de discussions, de divergences aussi, notamment lors d’un texte avec Toudi et Les Cahiers marxistes, « La Wallonie est-elle invisible ?» qui s’inscrivait dans le prolongement du Manifeste pour la culture wallonne, dont Louvet était l’un des coauteurs. La deuxième édition, Manifeste pour une Wallonie maîtresse de sa culture, de son éducation et de sa recherche parut en 2003 et Louvet resta jusqu’à sa mort président du Mouvement du Manifeste wallon.

Plus tard, lors d’une de nos ultimes réunions chez lui, le ton était monté entre Théo Hachez directeur de la revue, et l’un des participants, qui soutenaient que critiquer le PS comme elle faisait—c’était juste au moment de la révélation des magouilles de ceux que Di Rupo a appelé les « parvenus »—revenait à faire le jeu des Flamands… La question était grave, l’un, debout, avait déjà attrapé son veston, prêt à partir tout en poursuivant ce qui commençait à ressembler à une dispute, on frôlait le drame… et Jean riait doucement, avec son goût du bonheur, caressait du regard sa femme, la céramiste et comédienne Janine Laruelle, un couple magnifique de complicité (Jean Louvet (1934-2015), RN, n° 8, 2015, p. 12-13.). »

Le « l’un d’eux » c’était moi. J’ai voulu à la revue l’expliquer dans un « droit de réponse amical ». J’en reproduit la teneur ci-dessous : il ne s’agit pas que de moi dans ces deux paragraphes déplaisants, mais du malentendu qui préside aux relations entre Bruxellois et Wallons et les empoisonnent.

Voici le texte que j’ai envoyé comme droit de réponse :

Jean Louvet (1934-2015)

C’est sous ce titre que, dans La Revue nouvelle (n° 8, 2015, p. 12-13), Joëlle Kwaschin évoque le disparu. J’ai souligné fortement à ses funérailles, sa famille m’ayant demandé d’y prendre la parole, qu’il ne se réduisait pas à être « le chantre de la Wallonie » comme certains l’ont écrit. L’article parle aussi d’un clash entre Théo Hachez et moi intervenu, je pense, en mai ou juin 2006 chez Jean. Je n’y suis pas nommé, mais Toudi et la RN n’ont pas des millions de lecteurs et certains m’auront reconnu. Ma colère n’a nullement été provoquée par les critiques de la RN au PS sur les « affaires » à Charleroi comme l’écrit J. Kwaschin. Au contraire, Toudi (n° 69, octobre-décembre 2005, p. 14), sur le même sujet, avait reproduit in extenso l’éditorial de Théo dans La Revue nouvelle à l’automne 2005, Préparer l’alternance. Qui rappelait le 1er mai 1996 du PS et les enseignants empêchant les meetings socialos partout en Wallonie, camouflet dont République (que j’ai dirigée comme Toudi), a écrit avec jubilation que c’était Le plus beau premier mai de notre histoire. La réunion chez Jean s’inscrivait dans la cadre de rencontres (également avec Les Cahiers marxistes), sur les rapports Wallonie/Bruxelles. Elles ont cessé depuis. Je n’ai jamais revu Théo. Je reste marqué par sa mort. Ma colère de 2006 est venue de la position de surplomb des médias bruxellois fort soucieux, on l’a vu récemment, de l’image de Bruxelles, moins de celle du « reste du pays » comme le désigne si aimablement Béatrice Delvaux. En 2006, ils traînaient depuis des mois Charleroi et la Wallonie dans la boue et cela se poursuivrait des années. Bien au-delà du PS. La Communauté française aggrave cette violence symbolique dont la logique veut que trop de Wallons la subissent sans rien dire. Mais ce n’est ni celle de Toudi, ni la mienne. Et ce n’était pas non plus celle de Jean.

José Fontaine, directeur de Toudi

Jamais La Revue nouvelle ou les médias centraux ne réparent

Cette mise au point a été refusée par La Revue Nouvelle. Je m’en réjouis. Cela démontre à quel point la logique que nous refusons et qui est celle des médias centraux, également partagée par cette revue en 2006, l’est toujours par elle dix ans plus tard. Tant mieux aussi parce que, ici, nous avons les moyens de la dénoncer.

A l’été 2006, on peut dire que les médias centraux avaient dépassé les limites de la décence en ce qui concerne Charleroi. Ni moi-même, ni Toudi n’avons jamais pris le parti des gens au pouvoir dans cette Ville. L’essentiel de ce que nous en avons dit, c’était de mettre en garde contre l’amalgame entre les dirigeants de cette Ville et les habitants de Charleroi. Or, c’est eux en réalité qui ont été traînés dans la boue durant des années. Nous n’avons aucun souvenir des échos qu’auraient donné les médias centraux à l’image de Charleroi bien plus abîmée que celle de Bruxelles après les attentats de Paris dont on nous rebat les oreilles depuis qu’ils ont eu lieu et dont on continuera à nous les rebattre longtemps encore. On organise même rien moins que des sommets franco-belges pour soigner les bobos de « notre capitale » comme le disent, à la télévision francophone bruxelloise, les leaders liégeois qui se sont précipités en quête de pouvoir à Bruxelles comme Onkelinx et Reynders. Il est vrai que pour ce qui est de Molenbeek en particulier, les attaques sont venues de France, donc « de l’extérieur » et qu’on peut penser que les médias centraux avaient le devoir de défendre cette commune. Oui, il fallait et il faut la défendre, j’en conviens aisément. Le problème —je pense que les médias centraux en sont peu conscients—, c’est que les attaques de Charleroi sont perçues dans cette ville et ailleurs en Wallonie comme venant également de l’extérieur, mais la presse wallonne est ignorée à Bruxelles. Comment, d’ailleurs, les médias centraux auraient-ils pu faire écho à l’image profondément dégradée de Charleroi ou contribuer à sa restauration puisque c’est eux-mêmes qui l'ont joyeusement vitriolée? L’audience c’est quand même plus sacré que les 400.000 Carolos de la ville et sa région qui n’habitent même pas le « centre du pays ». Les attaques des médias centraux visaient le personnel politique de la Ville, non les habitants ? Il faut distinguer les deux, mais la tentation est grande d’en remettre en ne le faisant pas. Comme les Français à l’égard de Molenbeek. C’est souvent ainsi dans ces cas-là. Il n’y a pas plus de frappes aériennes chirurgicales que de frappes médiatiques. Englobant d’ailleurs Charleroi dans la stigmatisation des « Belges » : Le Monde, dans sa relation de la filière belge des attentats de Paris n’évoquait-il pas, le 31 décembre 2015, le passage de certains membres de cette filière dans « la capitale sinistrée du Pays noir » ?

Cracher sur Charleroi ou Liège n’est pas plus digne que cracher sur Molenbeek

Nous n’avons jamais eu l’impression —jamais !—que les médias centraux aient fait preuve de retenue quand il s’agissait de cracher sur la « capitale sinistrée du Pays noir ». N’est pas Molenbeek qui veut. On voyait des journalistes tant du « Soir » que de « La Libre » expliquer à leurs lecteurs qu’ils étaient allés à Charleroi (s’ils insistaient tant c’était qu’ils n’y avaient jamais mis les pieds) ; qu’ils y avaient senti à peu près partout la pauvreté et la peur, comme dans une dictature de démocratie populaire. « La Libre » s’étonnait même que le film Odette Toulemonde d’E-E Schmitt ait été tourné dans cette ville (parce que deux journaux hollandais à la même époque la considéraient avec Liège comme la ville plus laide d’Europe ?). Mais quelle levée de boucliers des médias centraux lorsque Finkielkraut s’en prend à l’islamisme qui pourrit Molenbeek selon lui de manière irrémédiable ou quand Zemmour propose de la bombarder (je n’aime pas Zemmour, mais enfin, sa proposition était quand même ici au second degré, un ami liégeois sur facebook l’avait faite avant lui, sans, lui, aucune méchanceté : Zemmour a eu droit à un deuxième édito de Béatrice Delvaux). On s’irrite et s’indigne à juste titre de cette islamophobie qui souvent n’est que le masque habile du racisme antimaghrébin. Auquel les récentes et impardonnables attaques de Paris ont donné un coup de fouet, multipliant une violence verbale indigne sur les réseaux sociaux que les médias centraux dénoncent à raison. Comment ne voient-ils pas qu’ils déclenchent exactement le même phénomène depuis des décennies sur la Wallonie et les Wallons ? Comment ne voient-ils pas , lorsqu’ils annoncent sans aucune nuance et avec la fierté dont les médias font preuve quand ils lancent un nouveau « scoop», que le blocage autoroutier d’une grève générale en province de Liège a fait un mort, puis deux morts (etc.), n'est que vile calomnie .

J’ai l’autre souvenir suivant : à propos des affaires de Liège à la fin des années 80, dans le groupe Dialogue/Dialoog institué pour que se rencontrent Wallons et Flamands, groupe auquel Jean Louvet et moi-même avons participé, très assidûment, j’ai entendu la même chose. Un participant aujourd’hui décédé (le Professeur de droit de l’ULB, Henri Michel, un Wallon de Bruxelles), affirmait : je n’en veux pas aux dirigeants socialistes corrompus de Liège de l'être. Car Liège étant la corruption même, il est inévitable que ceux qui l’habitent le soient aussi ! Nous connaissons certains journalistes de La Libre Belgique (mais ils n’y travaillent plus), qui étaient plus que sceptiques devant cet emballement médiatique sur Charleroi digne de Zemmour ou de la presse parisienne sur Molenbeek. Car les frappes médiatiques ont provoqué durablement d’immenses dommages collatéraux sur une Ville et toute sa région. On a certes entendu le 8 février dernier, Bas Smets, l’architecte flamand chargé de rénover le Centre-ville de la plus importante commune de Wallonie déclarer son enthousiasme pour Charleroi et déclarer qu’il en était « tombé amoureux ». Mais ailleurs dans les pays de langue française elle n'est que  la « capitale sinistrée du Pays noir ».

La contribution à une Justice sereine ? Dans le « reste du pays » ?

On peut aussi se demander dans quelle mesure cette connivence entre médias centraux et pouvoir judiciaire local dans la « capitale sinistrée du pays noir » n’a pas contribué à ce que la Justice ne soit pas rendue sereinement. Le sport consistant à mettre des tas de gens en prison. Du moins dans le « procès Ville » à Charleroi, l’avocat général a reconnu que le principal inculpé qui a subi ces séjours à Jamioulx , Van Gompel, quoique ayant commis une faute formelle, était foncièrement un honnête homme. Mais si on l’avait plus vite discerné, les médias centraux auraient été privés du feuilleton qui les a fait prospérer durant des années.

Tout n’était certes pas régulier à Charleroi et Toudi ne s’est pas privé de le dire non plus, tout en demeurant plus que sceptique sur la façon dont les médias jouissaient et se réjouissaient de pouvoir livrer, semaine après semaine, voir jour après jour, un feuilleton haletant et croustillant à leurs téléspectateurs ou lecteurs. Nous n’en avons d’ailleurs pas fait assez sur ce dernier point. Il faut le dire et le redire : les médias centraux n’agissent pas et n’ont jamais agi de la sorte à l’égard de personnes ou de collectivités du « Centre du pays », Centre avec lequel ils s’identifient. Ils se définissent par rapport —et surtout par opposition—au « reste du pays ». Surtout s’il est de langue française, ce « reste »— il n’y a que la Wallonie qui réponde à cette définition—peut, à leurs yeux, doit même, être traité de la même façon que les médias français médisant de la Belgique ou s’en esbaudissant. La Wallonie n’a jamais cessé d’être à la RTBF ce qu’elle était à l’époque où elle s’appelait plus honnêtement « Bruxelles français », celle de Sélim Sasson et de sa rubrique régulière au JT « Curiosités, anecdotes souvenirs » avec les séquences sur les souterrains de Polivache ou les arbres à clous. Ce dernier sujet presque aussi récurrent que les inondations de la Meuse et des ses affluents ou la première neige en Ardenne (il est encore revenu en 2015), ou le folklore qui doit représenter l'essentiel des sujets traités dans les médias centraux avec la ruralité qui y est assimilée, accents wallons à l'appui. Elle tomba cette année au Signal de Botrange, soit sur le « plat pays », dixit la RTBF à une altitude de près de 700 mètres. Pourquoi en veut-on tant aux Parisiens au boulevard Reyers puisque l’on en singe tous les tics ?

Sans cela (et les faits divers, mine inépuisable, il y a toujours bien des gens qui souffrent et meurent quelque part d’une erreur médicale, d’une maison qui explose ou d’un assassinat), on se demande comment la RTBF pourrait parler d’un pays qui n’est finalement que le reste d’un autre, jamais un pays pour lui-même. C’est d’ailleurs ce que veut en faire la prétendue « fédération » Wallonie-Bruxelles qui accole hypocritement le « Centre du pays » à ce qui n’en est que le « Sud », mis au premier rang hypocritement dans ce trait d’union. Ceci ne trompe que les Wallons assez naïfs pour penser que si la priorité est donnée en toutes matières (autoroutes, chemins de fer, investissements, aides aux charbonnages, aides européennes aux régions en difficultés, culture etc.), à la Flandre et Bruxelles c’est pour le bien de la Belgique « toujours grande et belle ». Ces Wallons sont assez nombreux encore pour que puisse s’exercer cette violence symbolique qui ne fonctionne que si ceux qui la subissent en acceptent le principe, parce qu’ils s’identifient à la Wallonie telle qu’on la leur montre dans les médias centraux, c’est-à-dire telle que 186 ans de belgitude l’ont défigurée.

« Nouveaux Bruxellois » plus ouverts, combats à mener contre l’ « Europe »

Depuis lors, nous n’avons plus eu aucun contact avec La Revue nouvelle sur ces thèmes. Et du côté bruxellois, nous avons trouvé assez vite finalement (dès la fin 2006), un autre interlocuteur dans les signataires du Manifeste bruxellois. Avec ceux-ci, les discussions maintenant devenues informelles se poursuivent. Elles sont facilitées par cette simple donnée : les membres de ce groupe lui aussi informel ne craignent pas de parler de l’intérêt de Bruxelles sans se dissimuler derrière les formules générales qui sont toujours celles de la violence symbolique. Il faudra bien un jour que nous nous entendions avec les Bruxellois comme avec les Flamands. Mais nous ne savons pas du tout quand cela sera vraiment possible. Le fédéralisme, heureusement teinté de confédéralisme en Belgique, a le mérite insigne de faire que les trois entités belges les plus importantes (Flandre, Wallonie, Bruxelles), se distinguent de plus en plus l’une de l’autre, ce qui est la condition même de l’entente. Car alors, on en vient plus vite et plus honnêtement à parler de soi et de ses intérêts et d’entrée de jeu. Voilà la meilleure voie pour en arriver un jour à sortir véritablement de soi, plus vite que lorsque l’on maquille ses intérêts comme l’ont toujours fait les dominants de tous les temps sous le fard d’un universalisme pharisien. Certes, cette domination s’exerce encore plus gravement dans les luttes sociales. En particulier celles que l’Europe néolibérale gagne en ce moment en imposant pour les 20 années à venir des pays de l’UE, sauf trois, des traités qui dictent leur politique budgétaire, sans que les Parlements nationaux, ni même les collectivités locales puissent y changer quoi que ce soit, formidable déni de démocratie qui ne semble guère émouvoir (voyez surtout le premier paragraphe, Perte de la souveraineté budgétaire). Ni ceux qui ont traîné Charleroi dans la boue au nom de la liberté et du pouvoir du peuple, ni d’ailleurs non plus La Revue nouvelle. Ou trop peu. Mais ce qui est le combat de Toudi —pas assez dur, j’en suis conscient—depuis 1989.

Post-scriptum

Le hasard a voulu que le jour même (mardi 9 février) où cet article a été mis en forme, de nombreux cours d'eau en Wallonie ont débordé et que les carnavals battaient leur plein, notamment à Binche. On ne pouvait quand même pas s'empêcher de penser à nouveau que c'est souvent sous des registres semblables (folklore, catastrophes ou faits divers) que la Wallonie intervient dans nos médias. Le lendemain Le Soir, sous le titre La grande misère de la culture belge, s'épanchait sur les musées nationaux tous situés à Bruxelles. Personne ne se réjouira de leur mauvais état. Mais le titre est à certains égards révélateur. Il n'y aurait donc plus de culture belge qu'à Bruxelles? Ou cela voulait-il dire qu'il s'agissait du coeur même de cette culture (le Centre...), ceci laissant supposer que la périphérie, en bon ou mauvais état, ne vaudrait pas la peine d'une telle titraille ( en grandes lettres à la une)?

Paranoïa de notre part? Evoquant la possibilité que certains éléments du Musée royal  de l'armée, notamment une série de pièces uniques d'avions anciens s'en aille à Coxyde et que, par ailleurs d'autres, selon le ministre wallon Collin, seraient les bienvenus à Beauvechain, Daniel Couvreur, l'un des auteurs des articles du dossier écrivait en conclusion : «De part et d'autre de la frontière linguistique, la tentation grandit de ne plus voir dans le Cinquantenaire qu'une vitrine aux bonnes affaires où l'on solderait l'histoire de Belgique.»

Mais ceci ne veut-il justement pas dire que, hors de Bruxelles, il ne peut y avoir de culture ni même d'histoire que « soldées»?

Chantal Kesteloot : les Wallons «psychotiques et génocidaires»

 

Chantal Kesteloot

Chantal Kesteloot

 

On pourra reprocher à mon texte d’être trop « dur». Se souvient-on que que durant les années 1990, de manière récurrente, les conflits en Belgique ont été sans cesse rapprochés des violences yougoslaves ? Avec des débats sur le sujet à la RTBF où, parfois, aucun Wallon n’était invité (1) ! Or, les Wallons et le mouvement wallon ont été considérés par Chantal Kesteloot (qui intervient sans cesse à la RTBF depuis des années), comme s'inscrivant (certes partiellement), dans « la définition des conflits identitaires développé par François Thual (C. Kesteloot, Au nom de la Wallonie et de Bruxelles français, Complexe-Ceges, Bruxelles, 2004, p. 120). » Et que dit Thual? Jean-Marc Ferry le résume : «  François Thual est l'auteur de réflexions à la fois alarmantes et stimulantes sur le phénomène identitaire. Les conflits identitaires, tels qu'il les caractérise, ne sauraient être confondus avec les conflits classiques du XIXe siècle, marqués par les nationalismes. Le conflit identitaire suppose un « processus victimaire » dont Thual brosse un tableau clinique, inspiré par le modèle des psychoses paranoïdes : le sujet est assailli par l'idée d'une conjuration généralisée, autorisant le crime (en l'occurrence, le crime génocidaire). Le processus victimaire a été amplifié et porté à son paroxysme par les médias (2). Cela permet de renforcer l'identification de l'individu au groupe sur un principe d'adhésion fusionnelle et irrationnelle, par quoi « l'identitaire se situe au point de rencontre de l'individuel et du collectif ». Les exemples actuels, parmi les plus frappants, en sont la Serbie, la Croatie, la Géorgie, l'Arménie. (Jean-Marc Ferry, Conflits identitaires, droit cosmopolitique, justice reconstructive, in : J. Barash, M. Delbraccio (Ed.), La Sagesse pratique. Autour de Paul Ricœur, CNDP-CNRP, Amiens, 1998).»

 

(1) Le 12 janvier 1998, dans le cadre de L'Écran-témoin, la RTBF consacrait une émission à la Yougoslavie. Lors d'une réunion à Namur, le samedi 10 janvier avec La Revue Nouvelle et Les Cahiers Marxistes, quelqu'un paria que le parallèle entre les affrontements ethniques de cet ex-pays et le nôtre serait évidemment souligné. Il ajouta qu'il n'y aurait pas de représentants wallons sur le plateau. Un de nos amis bruxellois (Michel Godard) tenta de le consoler en faisant remarquer que Guido Fonteyn, correspondant de De Standaard en Wallonie, serait là pour défendre le point de vue wallon. Cette conversation n'a rien d'anecdotique. Le système médiatique belgo-francophone fonctionne de manière si peu inattendue sur certains thèmes qu'on peut prévoir ce qui va se passer. Ce n'est pas G. Fonteyn que l'on vit à la RTBF, mais Marc Platel ancien rédacteur en chef de Het belang van Limburg, actuel conseiller de la Volksunie. Il fut le seul à évoquer la Wallonie dans un débat se transformant en instrument de disqualification de celle-ci (ses tendances autonomistes étant rapprochées de celles dans l'ex-Yougoslavie), et l'identité wallonne, de manière positive. Quant au parallèle Yougoslavie/Belgique, ce sont les deux jeunes femmes de l'ancien pays qui en démentirent la pertinence... Aucun Wallon n'était là, comme prévu. http://www.larevuetoudi.org/fr/story/chapitre-vi-la-wallonie-suspecte

(2) Ce dernier trait vaut son pesant d'or et indique assez clairement que psychotique ou pas, il n'y a aucun discours wallon  dans les médias. Un discours flamand, à coup sûr et un discours bruxellois tout autant.

 

Zakia Khattabi, peu soucieuse du politiquement correct, défend la Wallonie

Zakia Khattabi

Zakia Khattabi

 

La co-présidente bruxelloise d'Ecolo Zakia Khattabi confie ceci au journal Le Soir le 6 février 2016 à propos du RER wallon, que probablement, un Wallon comme Charles Michel, jugeait inutile. Il faut dire que de tels propos en l’absence d’un mouvement wallon fort et en l’absence de dirigeants wallons moins prudents à l’égard du politiquement correct ne sont pas assez souvent tenus. Il est piquant et profondément positif qu’ils le soient par une femme et une femme issue de l’immigration maghrébine à Bruxelles : « Charles Michel se trouve entre le marteau et l’enclume, entre la NVA et son fief, le Brabant wallon. Et il était prêt à le sacrifier ! Un ponte du MR du Brabant wallon l’a confié à la RTBF : « Nous nous sommes réunis à trois, quatre, on a mis la pression et il a compris… » Voilà comment le MR fait de la politique, en fonction des rapports de force et contre l’intérêt général. Le Premier fait passer ses propres intérêts avant ceux de sa région et ceux du pays ! Pendant vingt-quatre heures, il a accepté de transformer la Wallonie en désert économique, de sous-investir dans les infrastructures indispensables à son développement. Un Premier prêt à sacrifier sa région, la Wallonie, le Brabant wallon compris pour se maintenir au pouvoir. C’est hallucinant. Par magie, le lendemain, on retrouve les moyens financiers pour réaliser le RER à quatre voies. »