La saga Fortis

Ou le vrai visage du capitalisme financier et des affaires, un monde sans foi ni loi.
19 juin, 2009

 

[Les Organigrammes ont été réalisés par l'association DEMINOR]

Maurice Lippens a fait un rêve grandiose : créer une grande banque belge et même européenne.

Petit historique.

Pour moi, cette histoire démarre en 1998, au moment du rachat par Fortis de la Générale de Banque où je suis employé depuis 1970 et délégué syndical. Fortis comprend déjà les AG (Cie assurance belge de Maurice Lippens), AMEV (Cie assurance néerlandaise), Mees & Pierson (Soc. hollandaise de placements) et 50% de ASLK/CGER, achetés an 1993 à la SFP (Société Fédérale de Participation) c'est-à-dire l'Etat belge.

Maurice Lippens, le grand ordonnateur de cette opération, est parvenu à convaincre l'establishment belge qu'il faut à la Belgique une grande banque belge.

A l'époque, le gouverneur de la Banque nationale, Fons Verplaetse, proche du CVP, le parti politique flamand qui tire les ficelles de l'Etat belge, le roi Albert II, actionnaire de la Générale de Banque, les ministres du gouvernement dont Elio Di Rupo, ministre de l'Économie, sont tous favorables à la fusion entre CGER et G-Banque. C'est-à-dire un mariage entre une institution publique de crédit et une banque on ne peut plus privée. L'actionnariat le plus important de cette dernière est aux mains de la famille Janssen de La Hulpe, descendant des Solvay.

1. La fusion de la Générale de Banque et de la CGER sous la houlette de Fortis

 

Cette famille, qui comprend également les Boël et autres, était propriétaire de la Société belge de Banque, installée avenue Louise. Celle-ci avait fusionné avec la Banque de la Société Générale de Belgique en 1967. Cette famille détenait alors environ 5% de la G-Banque et en constituait le principal actionnaire privé. Le baron Paul-Emmanuel Janssen en était le président du conseil d'administration.

En 1998 lors de la fusion de la CGER et de la G-Banque, le SETCa (syndicat socialiste des employés), le syndicat libéral et la LBC (syndicat flamand chrétien des employés) sont pour. La CNE (syndicat francophone des employés, affilié à la CSC) est contre et soutient la fusion avec ABN-Amro. A la CNE, nous redoutions la fusion avec la CGER, car cela signifiait des pertes d'emplois considérables dans le réseau d'agences, à cause bien sûr des agences doublons. C'est ce qu'il adviendra, puisque cinq ans plus tard, l'effectif cumulé des deux réseaux aura perdu 5.000 postes de travail. Ceci pratiquement sans licenciements significatifs, mais par des départs anticipés à 55 ans sous forme de crédit temps non prestés. (50% du salaire + prime de l'ONEM).

En fait, dans un premier temps on assiste au rachat de la Générale de Banque par Fortis : coût 100 milliards de francs belges ou 2,5 milliards d'euros. Dans un deuxième temps, Fortis rachète les 50% restants de la CGER avec les réserves récupérées au sein de la Générale de Banque.

Les cinq premières années de la fusion seront vécues douloureusement par le personnel restant de la G-Banque, généralement plus âgé et moins bien payé que les nouveaux collègues de la CGER (jusqu'à 10.000 BEF par mois de différence pour une même fonction). Ce personnel devra également s'adapter aux procédures de travail et au système informatique de la CGER, prétendument plus performants. Ce changement représente la même charge que s'il avait fallu changer d'entreprise et réapprendre de nouvelles procédures de travail. Les membres du personnel devront en même temps assimiler le passage du franc belge à l'euro. Le tout en subissant une attrition considérable. Une agence CGER de six personnes + une agence G-Bque de sept personnes qui fusionnent = une agence Fortis de neuf personnes. C'était beaucoup à supporter et ce fut parfois trop pour les employés de la G-Banque.

Les membres du Comité de direction de la G-Banque avaient presque tous démissionné après la fusion puisque, Fred Chaffart en tête, président du Comité de Direction, avaient défendu l'option ABN-Amro. (Voir, pour suivre cette affaire, le livre très bien documenté de Béatrice Delvaux, alors journaliste économique au journal Le Soir, et de Stefaan Michielsen journaliste au Standaard, intitulé : « Le Bal des Empires », Ed. Racine).

La nouvelle direction de Fortis était essentiellement issue de la CGER et n'avait pas la même philosophie des relations de travail et des missions d'une banque que la direction de la G-Banque

Mais voilà donc Fortis installé avec Maurice Lippens aux commandes de la « Grande Banque Belge ». Il nommera Anton Van Rossum, son voisin de quartier et ex-gourou chez Mc Kinsey, CEO (Chief Executive Officer) du Comité de Direction. Lippens se réservant la présidence du Conseil d'Administration en duo avec un Hollandais.

Les débuts de la nouvelle entreprise semblent difficiles et les dirigeants craignent surtout que les réactions du personnel, de cultures très différentes, provoquent l'effondrement du projet.

Toute l'énergie des cadres dirigeants sera consacrée à la rationalisation des coûts.

Les employés et les cadres moyens se tiendront tranquilles, malgré tous les avatars qu'ils subiront.

La direction offrira au personnel la possibilité de souscrire à des stock-options sur les actions Fortis à un cours de 30 euros. L'employé n'avait que la taxe à payer et devait garder les options durant cinq ans au moins avant de pouvoir les réaliser. Et cela, idéalement, à un cours supérieur, taxe comprise, s'il voulait empocher un bénfice. Près de la moitié du personnel souscrira à cette première opération. La suite de celle-ci ne sera pas très bénéfique pour les souscripteurs.

Au moment de la fusion, Fortis Banque emploie 25.000 personnes en Belgique (15.000 ex-G-Banque et 10.000 ex-CGER).En 2007 il en restera 19.000.

En 2004, Van Rossum est remercié et remplacé par Jean-Paul Votron qui vient de City Bank et a été recruté par des chasseurs de tête. Il a un contrat de cinq ans.

Au moment de son arrivée, une grosse partie du processus de fusion est terminé.

Entre temps, Fortis a perdu des parts de marché importantes dans le secteur des PME et des professions libérales où la G-Banque était leader en Belgique.

2. Fortis prend son envol européen et même international.

Avec Votron, le style de management change du tout au tout. Oubliée, enterrée, la manière CGER. La plupart des cadres de direction ex-CGER sont poussés vers la sortie sans grands ménagements et remplacés par des « jeunes cadres dynamiques ».

Selon Votron, Fortis doit grandir (growth, en anglais, car dorénavant tout se traite en anglais).

Je suis délégué syndical depuis de nombreuses années et membre du Conseil d'entreprise. Pour les organisations syndicales, il est difficile de suivre les acquisitions de « banquettes » étrangères. La Turquie et l'Extrême-Orient, dont la Chine, sont les cibles privilégiées de Fortis. Par contre, l'Afrique est abandonnée et la Belgolaise, fleuron africain du temps des colonies, est vendue.

Et nous assistons pantois à l'explosion des bénéfices (voir ci-dessous : en millions d'euros).

 

ANNEE                  Bén. nets Groupe Fortis           Bén. nets Fortis Banque consolidé°

------------                 -----------------------------------            ---------------------------------------------

GAAP *                  IFRS *                      GAAP                    IFRS

---------                    -------                          ---------                   --------

2000                      + 2768                                                    + 1663

 

2001                      + 2598                                                    + 1105

 

2002                       + 532                                                     + 1025

 

2003                       + 2197                                                    + 1265

 

2004                       + 3358               + 2995                          + 1826                + 1194

 

2005                                                   + 3941                        + 1992                + 2693

 

2006                                                   + 4351                         + 3593               + 4732

 

2007                                                  + 3047                                                    + 1781

 

2008                                                   - 28.000                                                  - 20.600

 

°Les bénéfices de Fortis Banque consolidé sont repris dans les bénéfices de Fortis Groupe (Consolidé veut dire : reprenant les bénéfices des différentes composantes de la Banque et de ses filliales)

* GAAP = Generally Accepted Accounting Principles

* IFRS = International Financial Reporting Standard (Voir Wikipedia)

Ce sont des normes comptables employées en banques. Elles ont été modifiées en 2004 pour harmoniser en Europe la présentation des bilans. Mais l'importance de ce changement réside dans le fait que les banques devaient publier trimestriellement la situation des plus values ou moins values de leurs portefeuilles et non plus au moment de la vente. Ce qui a des conséquences directes et trimestrielles sur leurs résultats.

À la fin des années 90, c'est-à-dire avant le rachat par Fortis de la G-Banque, celle-ci employait alors 15.000 personnes en Belgique et dégageait un bénéfice net d'environ 15 milliards de francs belges, soit 375 millions d'euros. Et pourtant, la G-Banque avait également des filiales aux Pays-Bas (General Bank van Nederland), au Luxembourg (Banque Générale du Luxembourg), en France, aux USA, en Suisse, à Hong-Kong, outre la Belgolaise à Bruxelles et des implantations dans quelques paradis fiscaux, comme toutes les banques.

Ce n'est évidemment pas l'apport de la CGER et des Cie d'Assurances AG et Amev qui peut expliquer une augmentation du bénéfice de 1 à 10 en six ans.

Membre du Conseil d'entreprise depuis plusieurs années, j'ai du mal à comprendre d'où proviennent ces bénéfices faramineux, car la comparaison avec la G-Banque est étonnante.

Par ailleurs, la rémunération du CEO Votron - de l'ordre de 3.400.000 euros par an ( !) - est inacceptable pour les employés et les petits cadres. Elle représente l'équivalent de 67 années du salaire d'un employé.

Au sein de la banque, la méfiance si pas la guerre, font rage entre les délégués syndicaux ex-G et ex-CGER. Les délégués ex-CGER sont dirigés par des Flamands. Ils ont une toute autre culture syndicale. Celle-ci est plus proche du partenariat avec la direction qui prévaut probablement plus souvent dans les administrations publiques. Celle des délégués ex-G a toujours connu dans ses rapports avec la direction de la G-Banque le mode de l'affrontement. Car c'était la grande bourgeoisie et aristocratie belge qui la dirigeaient et elles étaient et son toujours idéologiquement anti-syndicale.

La répartition territoriale du personnel de Fortis Banque en Belgique en 2007 est la suivante :

A Bruxelles, 10.000 personnes. 1.500 dans les agences, à raison de plus ou moins 85% de francophones, soit 1.200 employés francophones et 300 flamands. 8.500 dans les Services centraux, où la répartition linguistique de cette entité est de 40% de francophones et 60% de néerlandophones, soit 3.400 francophones et 5.100 flamands.

En Flandre, 6.500 personnes.

En Wallonie, 3.500 personnes.

Pour l'ensemble de la banque il y a donc plus ou moins 8.000 employés francophones et 12.000 employés flamands. Le rapport de force est donc largement en faveur des Flamands et équivaut à celui que l'on retrouve dans l'Etat belge. Cela se répercute évidemment sur le nombre de délégués syndicaux flamands, bruxellois et wallons.

A la CNE, nos positions syndicales et notre approche culturelle s'apparentent plus à celles du SETCa qu'à celles de notre consoeur flamande de la LBC. Et c'est pareil pour le SETCa vis-à-vis du BBTK.

3. Fortis: l'achat d'ABN-Amro : la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf

C'est donc dans un contexte de bénéfices faramineux, en 2006, que Votron, Lippens, Verwilst et Mitler décident de mener l'opération de rachat de ABN-Amro Bank, banque néerlandaise, en partage avec deux autres banques qui sont la banque espagnole Santander, et l'écossaise Royal Bank of Scotland. Votron y a travaillé un certain temps et pour Lippens et Verwilst, ce rachat a peut-être un goût de revanche sur ABN-Amro.

(Voir l'opération en 1998 du rachat de la G-Banque par Fortis).

Coût de l'opération pour Fortis : 24 milliards d'euros ou 960 milliards de francs belges. On est très loin au dessus des 100 milliards de francs pour la G-Bque, 10 ans auparavant.

Le montant à mettre sur la table par Fortis représente plus de la moitié de sa valeur boursière puisque la capitalisation de Fortis est à ce moment de 40 milliards d'euros. C'est énorme et je me souviens qu'à l'époque le prix à payer me paraissait trop lourd pour l'entreprise.

Comme membres du Conseil d'entreprise, nous n'avions pas les moyens objectifs de contester cette décision du top management et, de toute façon, nous n'avions qu'une capacité d'avis, sans conséquence sur la décision.

Puisque les patrons avaient fait ce choix, nous estimions que c'était en connaissance de cause et en mesurant parfaitement l'effort à fournir pour y arriver.

Tout de même, je ne pouvais pas m'empêcher de penser que pour sortir ces 24 milliards, c'était le personnel - comme d'habitude - qui allait trinquer.

En septembre 2007, je m'étais fermement opposé à une restructuration des relations sociales entre la Direction des Ressources Humaines et les permanents syndicaux. Celle-ci retirait au délégué d'entreprise toute autonomie vis-à-vis de la DRH. Face à cette situation et après de nombreux différends avec l'appareil syndical j'ai opté, complètement dégoûté, pour un départ anticipé à la retraite à 56 ans.

A l'occasion de ce départ et comme tout autre travailleur de l'entreprise dans les mêmes conditions d'âge, j'ai perçu le capital de mon assurance groupe pour laquelle j'avais cotisé durant presque toute ma carrière.

Le cours de bourse de Fortis a commencé à descendre à partir de ce moment.

Cela m'amusait de le faire remarquer à mon entourage qui m'interrogeait sur ma nouvelle situation professionnelle. En précisant avec un certain humour qu'il n'y avait certainement aucune relation entre mon départ et cette baisse du cours.

Celle-ci n'inquiétait pas grand monde, car ce n'était pas exceptionnel chez Fortis. Quelques années auparavant, le cours avait dégringolé de 30 à 14 euros (20/06/2004), puis était remonté à plus de 20 euros.

Bref, l'opération de rachat d'ABN-Amro à trois avait l'air de se dérouler presque normalement.

J'entendais que Fortis avait temporairement quelques difficultés à réunir la somme nécessaire, mais que c'était normal vu l'ampleur du montant.
Toutefois, je ne pouvais pas m'empêcher de penser à la fable de La Fontaine : la grenouille voulant se faire aussi grosse que le bœuf.

Mais, vu les bénéfices extraordinaires des années précédentes, je me disais que Fortis allait pouvoir réussir ce rachat.

Disposant du montant de mon assurance groupe, je me décidai, en toute confiance et pour la première fois de ma vie, à acheter en quantité modérée des actions Fortis, une entreprise solide que je connaissais très bien et qui me paraissait promise à un bel avenir.

Je n'aurais jamais acheté des titres d'une autre entreprise.

Organigramme de Fortis avant le cataclysme.

Organigramme

4. Fortis : la descente aux enfers.

En septembre 2008, je pars en voyage au Québec avec ma compagne qui a tissé depuis de nombreuses années des liens d'amitié avec une famille québécoise.

Le 26 septembre, jour de mon anniversaire, mon amie m'invite au restaurant à Saint-Jean-sur- Richelieu près de Montréal. Je suis très loin de me douter ce qui se trame en Belgique, chez Fortis.

Nous rentrons le lundi 29 et à mon arrivée à Zaventem, à 7 heures du matin, je vais acheter le journal pour me reconnecter avec les péripéties institutionnelles belgo-belges.

Le Soir titre en première page à peu près ceci : « Fortis sauvée de la faillite ».

Le moins que je puisse dire c'est : « J'en ai le souffle coupé ».

Je découvre le mot « subprime » ???

Je découvre que les dirigeants de Fortis ont joué au casino avec les avoirs du client ???

Je découvre à ma grande stupéfaction que ce sont les Etats belge, néerlandais et luxembourgeois qui, de toute urgence, ont pallié le manque de liquidités de Fortis pour faire face à ces engagements et qui l'ont sauvée de la faillite ???

Je ne peux qu'applaudir !

Mais par cette opération, M. Reynders déclare que l'Etat belge est propriétaire de 49,83% de la banque belge de Fortis.

Je suis perplexe et j'ai quelques difficultés à comprendre. J'avais cru que l'État était seulement venu au secours de Fortis en lui prêtant des liquidités.

Mais voilà donc qu'il nationalise en partie une banque, alors qu'auparavant il voulait privatiser, pour suivre le credo libéral, presque tous les services publics : la Poste, la SNCB, Belgacom, etc.

Le dimanche 28 septembre BNPP fait déjà une offre sur Fortis à 1,60 euros l'action alors que celle-ci vaut encore 5,20 euros. La proposition est rejetée .

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Mais je ne suis pas au bout de mes surprises !

Dans la semaine qui suit, le gouvernement néerlandais renie sa parole et refuse de verser les 4 milliards d'euros promis pour sauver Fortis. Pouah, ces Hollandais....pareils à leur réputation.

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Ces événements se passent toujours pendant un week-end parce que les bourses sont fermées. Et c'est le lundi matin que l'on découvre l'opération.

Mais maintenant cela prend une autre tournure.

On apprend ainsi le lundi matin du 6 octobre 2008 que M. Reynders le « grand argentier » du gouvernement fédéral, avec l'accord des autres ministres - qui ne comprennent sans doute pas grand-chose aux activités bancaires -, a accepté, en raison du reniement des Hollandais, de leur vendre toute la part néerlandaise de Fortis.

C'est-à-dire Fortis Bank Nederland, anciennement Generale Bank van Nederland, la Cie d'assurance AMEV et ASR, quelques autres sociétés d'origine hollandaise et surtout le fleuron ABN-Amro que Fortis voulait racheter pour 24 milliards. Le tout pour seulement environ 16 milliards d'euros.

Belle opération pour les Bataves, fiers d'avoir, entre autres, récupéré leur banque ABN. La presse néerlandaise ne manquera pas de railler la stupidité des Belges qui se sont fait rouler dans la farine.

La « stupidité » belge ne s'arrête pas là et commence à ressembler plutôt à une magouille.

Ainsi on apprend que M. Reynders, couvert par son Premier ministre Yves Leterme, a également fait une promesse de vente de Fortis Banque Belgique, ainsi que de Fortis Insurance Belgium, à la Banque nationale de Paris et des Pays-Bas (BNPP) pour une somme me semble-t-il dérisoire. Cela comprend aussi indirectement Real Estate SA, la branche immobilière de Fortis dans laquelle sont localisés tous les immeubles du groupe et Fortis Investments Management, la branche investissements des grandes entreprises ou des particuliers clients chez Fortis.

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Ne reste plus alors aux actionnaires, dépouillés par le gouvernement, que Fortis Holding, c'est-à-dire la partie assurance internationale et, à 66 %, les crédits toxiques liés aux subprimes, appelés ici SPV( Special Purpose Vehicle). Autant dire rien, si pas pire.

Là, je me sens grugé et roulé !

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Pourquoi M. Reynders brade-t-il aux Français l'institution financière la plus importante du pays ?

3 millions de clients, 800 milliards d'euros de chiffre d'affaire, 40% de l'épargne belge et plus de 20.000 employés et 500.000 actionnaires.

Ce n'est pas un réflexe belgicain qui me fait réagir, mais le bon sens économique et social.

Je ne comprends pas cette opération, sinon qu'elle est extrêmement profitable pour BNPP.

Autant j'approuvais la première qui était d'aider financièrement Fortis à éviter la faillite, autant je désapprouve celle de la vente aux Hollandais et aux Français.

Comment est-il juridiquement possible qu'un État puisse ainsi vendre une entreprise privée qui en principe appartient à ses actionnaires, et cela sans leur demander leur accord ???

Toutes ces questions sont toujours sans réponse, mais seront l'objet de multiples péripéties.

L'explication de Mr Reynders : « Le gouvernement ne peut pas supporter le risque lié aux produits toxiques qui encombrent le portefeuille de Fortis Banque. Si cela tournait mal, ce seraient tous les contribuables belges qui en subiraient financièrement les conséquences ».

On pouvait pourtant constater à ce moment que ce n'était pas directement les produits toxiques liés aux subprimes qui avaient plombé Fortis le 26 septembre, mais bien la crainte de leur impact sur l'institution bancaire. Personne ne pouvait confirmer ou infirmer ce risque, car personne ne connaissait exactement la composition de ces produits ni le véritable risque que ceux-ci représentaient.

Bref on avait peur que ça explose, mais on ne savait pas si ça allait exploser.

C'était la confiance qui était ébranlée.

Le monde entier découvre à sa grande stupéfaction que toute la finance est touchée.

Aux USA, où a démarré toute cette affaire, certaines entreprises financières sont en faillite, car l'Etat américain, selon le sacro-saint principe libéral, n'a pas voulu les aider.

5. Mais comment cela a-t-il pu arriver ? Les subprimes, qu'est ce que c'est ??

Aux USA, des particuliers ont pu obtenir pendant plusieurs années des prêts hypothécaires pour des montants bien au-delà de leurs moyens financiers disponibles.

En Belgique, cela est impossible car le remboursement ne peut pas dépasser le tiers des revenus.

Aux USA, les taux variables sont sans limite à la hausse.

En Belgique, les taux variables ont un plafond et un plancher.

Ces mesures prises en Belgique sont destinées à protéger le consommateur.

Aux USA, pays du libéralisme débridé, on fait ce qu'on veut et tant pis pour ceux qui ne savent pas compter.

Voir actuellement encore le taux d'endettement des Américains, contre lequel le président Obama a dû lancer une campagne.

Les agences de crédit américaines avaient donc octroyé des crédits hypothécaires à tire-larigot, car il se reposait, en cas de pépin du client insolvable, sur le fait que, depuis plusieurs années, le marché immobilier était à la hausse.

Donc, si le client ne pouvait plus payer, on vendait sa maison et on pouvait ainsi récupérer le montant prêté. Les prêteurs sont même allés jusqu'à octroyer à leurs clients des suppléments de crédits de consommation à leurs clients détenteurs d'un crédit hypothécaire sur base de la plus-value de leur immeuble.

C'est déjà pas mal dingue comme système.

Mais les agences de crédits n'en sont pas restées là. Elles ont revendu à des banques et à des hedge funds les crédits qu'elles avaient octroyés à leurs clients, en échange d'une promesse de haute rentabilité. C'est ce qu'on a appelé la titrisation. Les entreprises financières les ont alors mélangés avec d'autres valeurs, la mixture étant revendue à d'autres banques. Les montants de ces titres a tôt fait de dépasser les 5.000 milliards de $.

Chaque intervenant y allant de sa petite recette au point qu'on ne pouvait plus correctement évaluer les risques que comprennent ces produits.

Et Fortis, comme beaucoup d'autres banquiers, n'a pas pu résister à la tentation du profit maximal en voulant les offrir à ses actionnaires importants et exigeants des bénéfices en pourcentage à deux chiffres : 15 voire 20% de return.

Mais, comme disaient les banquiers d'autrefois, les arbres ne montent jamais jusqu'au ciel.

Après plusieurs années de ces pratiques, il y eut aux USA un retournement de conjoncture. Autrement dit, l'économie s'est mise à patiner. Le chômage a augmenté. Des emprunteurs ayant perdu leur emploi n'ont plus pu honorer leurs dettes. Et, comme un malheur ne vient jamais seul, les taux d'intérêt ont commencé à augmenter dangereusement, entraînant des augmentations des primes de remboursement. Cela a eu comme conséquence qu'un nombre très important d'emprunteurs n'a plus pu rembourser. Vu le grand nombre de cas insolvables et donc de maisons à vendre, le marché de l'immobilier s'est effondré, entraînant les entreprises de crédits vers la faillite et, à leur suite, les banques qui leur avaient racheté les prêts.

Lehman&Brothers, une des plus solides banques des USA, est tombée en faillite le 15 septembre 2008 jetant la panique parmi le monde bancaire et donc la méfiance.

AIG, la plus grosse compagnie d'assurance de crédits américaine a perdu 95% de sa valeur et a dû être secourue par un premier prêt de 85 milliards de dollars par l'État américain. C'est l'effet boule de neige.

Les deux entreprises de prêts Fannie Mae et Freddie Mac ont également été aidées financièrement par l'État pour éviter la faillite.

Le 14 septembre, la Banque d'Angleterre doit accorder un prêt d'urgence à la banque Northern Rock pour lui éviter la faillite.

Mais quant la confiance est rompue entre banquiers, c'est tout le système bancaire qui s'effondre. Un peu comme le cycliste : quand il s'arrête de rouler, il tombe.

Pour que le système financier fonctionne, il faut que l'argent circule et de préférence le plus rapidement possible. Et ici, il s'agit d'argent « virtuel », dans les ordinateurs des banques, en quantité colossale et en croissance exponentielle. (Voir l'interview de Francis Bismans  La crise financière pourquoi? Comment en sortir? .

La crise financière aux USA a eu immédiatement des répercussions dans le monde entier.

6. Qu'en est-il de Fortis dans cette tempête ?

Le vendredi 26 septembre 2008, Fortis, qui avait besoin ce jour-là de beaucoup de liquidités pour soutenir l'activité d'ABN-Amro aux Pays-Bas, a fait appel aux autres banquiers. Comme cela se pratique tous les jours dans le monde de la finance.

Vu la lourde charge du rachat d'ABN-Amro et la rumeur sur l'exposition de Fortis aux subprimes, aucun banquier, et particulièrement BNPP qui était pourtant depuis longtemps un partenaire privilégié de Fortis, n'a plus voulu prêter un euro à Fortis.

Face à cette situation, le vendredi 26/09 au soir, Fortis est virtuellement en faillite.

C'est alors qu'il est fait appel aux États belge, néerlandais et luxembourgeois pour apporter les liquidités nécessaires au fonctionnement de la banque, soit environ 11 milliards d'euros.

Par ailleurs une garantie de l'État de 100.000 euros par client belge est instituée sur les avoirs déposés par ceux-ci auprès de banques belges. Ceci essentiellement pour rassurer la clientèle et la confiance.

Si l'État avait laissé Fortis aller à la faillite, c'était pratiquement la société belge qui serait tombée en faillite et si nous avions toujours eu le franc belge, celui-ci aurait subi une telle dévaluation que celle-ci aurait entraîné des répercussions sur la vie de tous.

L'exemple de l'Islande qui est en dehors de la zone euro est éclairant à ce sujet. Ce petit pays de 300.000 habitants a subi de plein fouet la crise financière est maintenant dans une situation économique catastrophique. Voir pour 20.000 clients belges la situation de la Kaupthing Bank.

En cette fin de mois de mai 2009, les spécialistes ne sont pas encore certains que les banques soient sorties du marasme. Mais avec les interventions et les garanties des États, la confiance se rétablit petit à petit. Certaines peuvent déjà déclarer des résultats trimestriels positifs.

Je prends les paris maintenant que très rapidement tout repartira comme s'il ne s'était rien passé. L'appât de gains faramineux par les sociétés de placement est plus fort que les lamentations de quelques-uns. J'entendais l'autre jour à la radio quelqu'un dire : « Le capitalisme n'est pas moral ni immoral, il est amoral ».

7. Les (petits?) actionnaires de Fortis se rebellent.

J'apprends à la mi-octobre que la déjà bien connue Deminor, la société de défense des petits actionnaires, organise une réaction par rapport au démantèlement et à la vente de Fortis.

Je m'y inscris. Le prix à payer est fonction du nombre d'actions que l'on détient et ma contribution s'élève à 50 euros. Ce qui me paraît raisonnable.

Le 15 octobre, Deminor annonce représenter 7.000 actionnaires et travailler avec VFB (Vlaamse Federatie van Beleggingsclubs en Beleggers) qui représente 11.000 actionnaires.

Ils réclament tous deux la tenue d'une assemblée générale des actionnaires de Fortis pour demander à ceux-ci s'ils approuvent ou non les transactions avec l'État faites par le conseil d'administration.

Mais il faut préciser que lors d'une assemblée générale d'une société anonyme, le vote est proportionnel au nombre d'actions que vous détenez. Une personne n'égale pas une voix.

La société Fortis SA a émis 2.516.657.248 actions dispersées dans le public.

Le plus gros actionnaire connu est l'assureur chinois Ping Ang qui détient 4,81% du capital, c'est-à-dire environ 125 millions de titres de Fortis.

Je rate la première assemblée générale du 2 décembre où environ 20% des actions seront représentées.Celle-là où les actionnaires ont « défenestré » le vicomte Davignon après avoir déversé tous leurs ressentiments sur les managers de Fortis.

La suivante eut lieu le 19 décembre, rien d'essentiel n'en ressortit.

Ordre du jour : Commentaires et justifications des événements écoulés - Composition du conseil d'administration et rémunérations - Poursuite des activités.

Ce dernier point nécessite au moins la moitié des actions existantes. Ce qui n'est pratiquement jamais le cas. Lors de cette assemblée, le pourcentage d'actions représentées a atteint 20,32%, ce qui est beaucoup par rapport à une assemblée en temps ordinaire, mais donc insuffisant pour traiter le dernier point de l'ordre du jour.

Une autre assemblée doit donc être convoquée.

Ce jour-là, au Heysel, je rencontre un jeune homme, administrateur d'une petite société de crédit ayant perdu à cause de Fortis l'équivalent de la valeur d'une maison. Celui-ci me confie que lors d'une réunion de famille le dimanche 20 septembre, son beau-frère, cadre de direction chez BNPP à Luxembourg, lui a affirmé que « BNPP avait Fortis dans la poche ». C'est-à-dire six jours avant le vendredi noir de Fortis.

Surprenant et troublant, non ?

ECHO (L') 22/10/2008

BNP Paribas pariait sur la chute de Fortis

En février dernier, BNP Paribas lançait un produit explosif : un

titre de créance convertible appelée «Autocall Fortis», faisant

le pari d'une baisse de 40 % de l'action Fortis. Ce produit paie

un coupon de 18 % brut par an, tant qu'à chaque échéance, ce

pari est perdu. Sinon, l'investisseur est remboursé avec des actions

Fortis... Le prix de base retenu pour l'action était le cours

de clôture du 2 avril 2008, soit 16,63 euros, un niveau proche

de son plus haut de l'année. Au cours actuel de Fortis (à peine

plus d'un euro), la chute est bien plus importante que les 40 %

proposés. Résultats des courses, l'investisseur a de fortes chances

de se retrouver avec des miettes le 2 avril prochain. Actuellement,

sa perte serait de plus de 90 %. En outre, BNP Paribas

peut à tout moment exercer son droit de conversion sur le titre,

et jeter dans la nature les actions Fortis qu'il détient pour cet

exercice. Une affaire trop belle pour le repreneur de Fortis Belgique?

L'association d'actionnaires Deminor est en train d'examiner

de près le produit. Pourtant, cette fois, BNP Paribas ne

devrait rien tirer de cette affaire. En redistribuant les actions

Fortis, la banque française n'empochera pas la différence. Sa

seule source de profit vient de sa technique de couverture sur

laquelle elle se basait pour fournir le coupon. O S.Q.

 

Autre fait troublant : un matin dans la semaine qui précède la promesse de vente de Fortis par l'Etat belge à BNPP, M. Leterme et M. Reynders ont pris dès potron-minet le Thalys pour aller petit-déjeuner à l'Elysée avec Mr Sarkozy. Quel était le but de cette visite éclair et si matinale ?

Nicolas S... l'idole de Didier !

Autre fait interpellant : le mercredi 8/10, donc seulement trois jours après l'annonce de la vente de Fortis à BNPP, je suis invité comme d'autres clients de Fortis à un road show à Namur. Vu les événements récents, je décide d'y participer en espérant avoir une explication sur la situation. A ma surprise en arrivant dans la salle je découvre un dépliant aux couleurs de BNPP sur chaque chaise.

Un collègue que j'y rencontre m'explique également que le lundi matin de l'annonce, des cadres de BNPP se trouvaient déjà dans la salle des marchés de Fortis pour superviser les activités de trading des employés de Fortis.

Rapide, non ?

8. Et les organisations syndicales des banques dans cette affaire ???

L'attitude des syndicats de Fortis est totalement inadmissible. Mais pour qui roulent-ils ?

Y a-t-il eu au sein des syndicats une analyse sérieuse de l'impact social de la reprise de Fortis Banque et Assurance Belgique  par BNPP ? Je ne le crois pas.

Car dès l'annonce de la reprise par les Français, ils se sont rangés comme de gentils petits moutons sous la bannière de BNPP.

Ceci dit en passant pour camper le décor syndical dans lequel la saga Fortis se déroule. Et ceci explique peut-être cela. Il faut que vous sachiez que l'organisation patronale des banques soit l'ABB, « Association belge des Banques », verse chaque année aux trois centrales syndicales (SETCa-BBTK, LBC-CNE, Libérale) 1.800.000 euros. Un tiers de cette somme est le fait de Fortis puisque cette entreprise bancaire constitue le tiers de l'activité bancaire en Belgique. Cette somme très élevée est probablement partagée à la proportionnelle de la représentativité de chaque syndicat dans le secteur des banques.

Cette disposition fait partie d'une annexe aux conventions de secteur signées en Commission Paritaire des Banques en 2004.

Cela est on ne peut plus malsain pour l'indépendance syndicale, c'est évident.

On peut donc imaginer que la banque française aura directement rassuré les syndicats en promettant qu'elle garantirait la continuation du versement, voire qu'elle augmenterait celui-ci ... si les syndicats soutenaient BNPP dans la reprise de Fortis.

Et voilà les syndicats de Fortis dans la poche de BNPP et ainsi tout le personnel est muselé.

Car en Belgique le système des relations sociales est cadenassé, puisque, en dehors des trois syndicats autorisés, les travailleurs n'ont aucune possibilité de pouvoir exprimer leur point de vue de façon organisée.

Le SETCa a bien émis quelques réserves, mais elles étaient tellement timides que l'on ne les a pas entendues.

Faire croire le contraire à quiconque, c'est mentir et tromper ceux-là même qu'on est censé défendre. C'est tout bonnement scandaleux.

Et pourtant si l'on peut prudemment admettre que le réseau d'agences qui emploie 8500 personnes ne sera probablement pas touché par des pertes d'emplois, il n'en va pas de même dans les Services Centraux à Bruxelles où  travaillent 10.000 personnes.

Un plan de synergie de plus ou moins 500 millions d'euros a été annoncé par BNPP.

Et de toutes façons comment un syndicaliste le plus bas du front soit-il, excusez l'expression mais je suis en colère, peut-il un instant nous faire croire que le rachat par BNPP de Fortis Banque n'aura pas un impact important sur l'emploi dans les Services Centraux à Bruxelles ? Ceux-ci sont les doublons de ces mêmes services à Paris.

Les Français vont-ils sacrifier des emplois français pour préserver les emplois des belges ??

La réponse est NON, évidemment.

Faire croire le contraire à quiconque est mentir et tromper ceux là même qu'ils sont sensés défendre. C'est tout bonnement scandaleux.

Je n'étais pas au bout de mes surprises désagréables.

9. La justice s'en mêle.

Mais avant la tenue de l'assemblée suivante du 11 février des événements importants se sont déroulés en justice.

Le 12 décembre, à la suite d'une intervention des avocats des actionnaires de Fortis, la Cour d'appel de Bruxelles donne raison aux actionnaires. Elle gèle le démantèlement de Fortis et confirme que ses organes de décision n'ont pas fonctionné correctement lors de la réalisation des transactions fin septembre et début octobre Des experts doivent être désignés en vue de fournir aux actionnaires des informations sur ces transactions et les circonstances dans lesquelles elles se sont réalisées. En outre, la Cour d'appel ordonne que les actionnaires puissent avoir la possibilité de se prononcer sur ces transactions en assemblée générale.

C'est une victoire pour les actionnaires.

Conséquences politiques.

Autour de cette affaire juridique se déroulera également une affaire politique troublante en démocratie. En effet, le Premier ministre Yves.Leterme et le ministre des Finances Didier Reynders, via leurs chefs de cabinet, auraient exercé des pressions sur les magistrats de cette Cour d'appel pour qu'ils rendent un autre arrêt, favorable à la thèse de Didier Reynders. C'est-à-dire empêcher les actionnaires de contester par un vote les transactions de reprises et de ventes réalisées par le ministre des Finances.

Une des trois magistrats se fera porter pâle pour ne pas avoir à entériner la décision. Cette dernière et son mari sont des CD&V proches d'Yves Leterme.

Cet absentéisme pouvant éventuellement être utilisé pour invalider la décision des deux autres juges.

Mal leur en pris, la combine fut dénoncée par les plus hauts magistrats du pays, ce qui entraîna la démission du Premier ministre et de son ministre de la Justice, Jo Vandeurzen.

Le ministre des Finances fut bien quelque peu inquiété lors des débats devant la commission créée pour tenter de faire la lumière sur cette affaire, mais rien n'y fit. Tout fut noyé dans une embrouille politicienne.

Dès lors, le doute s'est installé dans l'esprit des citoyens sur le fonctionnement de l'État et de la Justice. C'est à mon avis très grave, car les gens peuvent en conclure que la Belgique est dirigée par des élus malhonnêtes qui s'assoient allègrement sur le principe fondamental de la démocratie, celui de la séparation des pouvoirs.

Première leçon de cette histoire, dans le chef de responsables politiques : pour gagner, tous les moyens sont bons, mêmes illégaux.

10. La 3ème assemblée générale en Belgique se tient donc le 11 févier dans ce contexte.

Les assemblées générales se succèdent. Il faut savoir que Fortis forme une structure binationale. La société doit donc tenir deux assemblées simultanées et distinctes, l'une en Belgique et l'autre aux Pays-Bas.

Je m'y rends et j'y rencontre de nombreux collègues et ex-collègues, retraités comme moi.

Il y avait environ 4.000 actionnaires présents.

Les points principaux de l'ordre du jour sont :

1. Rapport des experts désignés par la Cour d'Appel et commentaires

2. Proposition d'approuver la vente de 100% des actions de Fortis Bank Nederland (Holding) N.V., Fortis Verzekeringen Nederland N.V. et Fortis Corporate Insurance N.V. à l'État néerlandais intervenue le 3 octobre 2008 en exécution de la décision du Conseil d'Administration du 3 octobre 2008, telle que résumée dans la circulaire aux actionnaires.

3. Proposition d'approuver la vente des 50% + 1 action restants de Fortis Banque SA/NV à la Société Fédérale de Participations et d'Investissement, intervenue le 10 octobre 2008, ainsi que les opérations à conclure, le cas échéant, avec la Société Fédérale de Participations et d'Investissement, en exécution de la décision du Conseil d'Administration des 5 et 6 octobre 2008, telles que cette vente et ces opérations sont résumées dans la circulaire aux actionnaires.

4. Proposition d'approuver la vente de 100% des actions de Fortis Insurance Belgium SA/NV à BNP Paribas S.A. intervenue le 10 octobre 2008, ainsi que les opérations à conclure avec BNP Paribas S.A. et la Société Fédérale de Participations et d'Investissement, en exécution de la décision du Conseil d'Administration des 5 et 6 octobre 2008, telles que cette vente et ces opérations sont résumées dans la circulaire aux actionnaires.

5. Nominations de sept nouveaux administrateurs dont Georges Ugeux (ancien cadre de direction de la Générale de Banque et vice-président de la Bourse de New-York) présenté par les syndicats des actionnaires et revendiquant la présidence du conseil d'administration.

Dès l'ouverture de la séance, le ton est donné.

Nos avocats, Pierre Nothomb et Mischaël Modrikamen, informent l'assemblée que le conseil d'administration a déposé des procurations pour participer aux votes, soit 125 millions d'actions détenues par Fortis Banque. Cette dernière appartient à 50% à l'État, à la suite de son intervention de septembre 2008. Mais ces actions n'ont légalement aucun droit de vote à l'AG, tel que stipulé dans leur dénomination.

Ce coup fourré de notre conseil d'administration contre la plupart de ses actionnaires est une tentative de contrer l'actionnaire le plus important, l'assureur chinois Ping Ang qui avait annoncé qu'il voterait contre les propositions, tel que libellé ci-dessus. On soupçonne une manœuvre du gouvernement, c'est-à-dire de M. Reynders qui a autorité sur la banque.

Premier coup de Jarnac des administrateurs à l'égard des actionnaires.

Apprenant cela, le public est furieux contre ses administrateurs et y réagit fermement.

Finalement, après moult interventions orales des membres de l'assemblée, ces actions seront retirées du droit de vote.

Le rapport des experts désignés par le tribunal - qui sont la plupart des professeurs d'université chevronnés - est lamentable, car partial. Le public se demande à qui il peut encore se fier. Les « experts » sont hués.

L'atmosphère est lourde.

L'assemblée dure longtemps, car il y a beaucoup d'interventions orales pour dénoncer les pratiques auxquelles on assiste.

Finalement, un vote a lieu et cette assemblée générale de Fortis SA/NV à Bruxelles décide de rejeter à 50,1% les transactions du début du mois d'octobre. Il s'agissait, d'une part, du vote sur la cession des activités aux Pays-Bas et, d'autre part, de la cession à l'État belge (via la SFPI) de Fortis Banque. En raison du vote négatif, il n'y a pas eu de vote sur la troisième transaction à l'ordre du jour (celle concernant Fortis Insurance Belgium).

Cette assemblée générale a ensuite procédé à l'élection de nouveaux administrateurs. Il y avait initialement huit candidats à élire, dont la moitié proposés par Deminor : Messieurs Casier, Ugeux, van Daele et Zegering Hadders. Un des candidats proposés par Ping An (Mr. Doman) avait retiré sa candidature avant l'assemblée générale. Trois autres, dont les deux candidats proposés par Fortis, l'ont fait en cours d'assemblée, à la suite du vote négatif sur les transactions. Par conséquent, seuls quatre candidats demeuraient éligibles dont la majorité proposée par Deminor. L'assemblée générale a approuvé la nomination de trois d'entre eux : Messieurs De Mey (proposé par Ping An), Ugeux et Zegering Hadders (proposés par Deminor). Dès le mois de décembre 2008, nous avions clairement indiqué que nous souhaitions que les actionnaires de Fortis puissent choisir des candidats totalement indépendants afin de veiller à leurs intérêts. Parmi les administrateurs nommés par l'assemblée générale à Bruxelles, seuls ceux de Deminor étaient d'ailleurs considérés comme indépendants.

Deux jours plus tard, à Utrecht, l'assemblée générale de Fortis NV a confirmé ces trois nominations. Le conseil d'administration était ainsi composé de quatre membres : MM. Karel De Boeck (CEO et ancien administrateur de Fortis présent lors de la débâcle - il perçoit une rémunération de 800.000 euros pour diriger une entreprise équivalent en personnel à une PME -), De Mey, Ugeux et Zegering Hadders.

Cependant, à l'issue de la première réunion du conseil d'administration qui a suivi, M. Ugeux a annoncé sa démission du conseil. Il s'agit d'une décision personnelle, prise lors de la réunion et que je considère comme stupide et préjudiciable pour les actionnaires.

Quoi qu'il en soit, Fortis dispose à présent d'un nouveau conseil au sein duquel siège un des candidats proposés par Deminor (Mr. Zegering Hadders). Celui-ci en est, par ailleurs, le seul administrateur indépendant.

Vu la décision de l'assemblée générale de Bruxelles de rejeter les transactions, ce conseil a maintenant un mandat des actionnaires de renégocier ces transactions. Ceci a d'ores et déjà été confirmé par son président, Mr De Mey, qui a précisé que les négociations commenceraient le plus rapidement possible.

Entre-temps, l'expertise ordonnée par la présidente du Tribunal de commerce dans la procédure introduite par Deminor poursuit son cours.

Cette assemblée du 11 février 2009 se termine donc par une victoire importante pour les « petits » actionnaires.

Mais pour eux cette histoire n'est malheureusement n'est pas finie.

Pendant toute la saga, les porte-paroles des actionnaires demanderont à plusieurs reprises d'être associés aux négociations entre les parties, qui comprennent le CA (conseil d'administration) de Fortis Holding, le CA de Fortis Banque, le gouvernement fédéral belge et BNPP.

Leurs demandes ne seront jamais prises en compte.

Tout aussi pénible, le CA de Fortis Holding que nous venions de désigner a voulu se pourvoir en cassation contre la décision de la Cour d'appel du 12 décembre. Deminor et les autres syndicats d'actionnaires sont parvenus à les en dissuader.

Et à un train de politiciens les négociations reprennent entre les protagonistes, mais toujours sans les représentants des actionnaires.

Lettre de Deminor à ses mandants le 9 mars 2009

Cher Monsieur,

Vous avez certainement pris connaissance des dernières évolutions dans le dossier Fortis et nous souhaiterions vous faire part de nos premiers commentaires à ce propos.

Le principal développement concerne bien entendu la décision de l'Etat belge de vendre 75% de Fortis Banque à BNP Paribas. La décision d'adosser Fortis Banque à la BNP Paribas a donc été la solution retenue par le gouvernement belge même si, au cours des derniers jours, des membres du gouvernement et de l'opposition affirmaient que le scénario du « stand alone » devait être sérieusement envisagé.

Il semblerait que BNP Paribas ait formulé par écrit divers engagements, notamment en matière de maintien de l'emploi. Le détail de ces engagements n'a pas été rendu public.

Par ailleurs, les négociations de ces derniers jours auraient également porté sur des éléments qui étaient déjà abordés dans l'accord renégocié à la fin du mois de janvier 2009. Cela signifierait que l'accord renégocié (et entre-temps rejeté par l'assemblée générale du 11 février 2009) était encore loin d'être finalisé sur plusieurs points lorsqu'il fut présenté aux actionnaires de Fortis.

De notre côté, s'agissant de la position de Fortis Holding et de ses actionnaires, nous avions appelé à une renégociation des accords au lendemain de l'assemblée générale du 11 février 2009. Nous estimions que les discussions pouvaient être poursuivies avec toutes les parties autour de la table, c'est-à-dire avec l'Etat belge et avec BNP Paribas. L'objectif était de trouver rapidement une solution qui puisse satisfaire toutes les parties concernées, en ce compris les actionnaires de Fortis Holding.

Dans un souci de flexibilité et d'ouverture, nous avions toutefois indiqué qu'une solution alternative (le « stand alone ») pouvait être envisagée sans impliquer nécessairement BNP Paribas. L'objectif était d'anticiper une situation où BNP Paribas avancerait ou maintiendrait des exigences difficilement acceptables pour les autres parties autour de la table, que ce soit pour l'Etat belge ou pour Fortis Holding. L'Etat belge avait d'ailleurs récemment déclaré que le retrait de BNP Paribas ne constituerait en rien une catastrophe pour Fortis Banque. Le Premier Ministre a même répété au cours des derniers jours que Fortis Banque était parfaitement viable. Le cabinet de conseil Mc Kinsey s'est même penché sur ce scénario dans le détail.

Nous avions clairement indiqué, et nous n'avons cessé de le répéter, que les deux pistes devaient être explorées en parallèle et qu'il appartenait au nouveau conseil d'administration de Fortis Holding d'obtenir le meilleur accord possible pour les actionnaires en fonction des circonstances.

Nous constatons que l'Etat belge a tranché en faveur de BNP Paribas et a ainsi rejeté le scénario du stand alone. Nous n'excluons pas que le contexte actuel, tant en ce qui concerne le secteur bancaire belge que l'économie en général, ainsi que l'évolution récente des marchés financiers aient pesé lourdement dans la prise de décision. Nous sommes conscients de l'impact que l'aggravation récente de la situation sur les marchés financiers et que la crise actuelle que nous connaissons ont pu avoir sur le scénario du « stand alone ». Ces éléments joueront certainement dans l'appréciation qu'il conviendra de faire du choix de rester dans le cadre des accords avec BNP Paribas moyennant les changements qui sont intervenus ces derniers jours.

Quoi qu'il en soit, la décision finale dans le chef de Fortis Holding revient à ses actionnaires qui auront la possibilité d'approuver ou non le nouvel accord négocié par le conseil lors d'une assemblée générale qui se tiendra au mois d'avril (les dates des 8 et 9 avril ont déjà été évoquées par le conseil d'administration).

S'agissant des actionnaires fédérés autour de Deminor, nous avons constamment privilégié leur liberté de choix et de vote en assemblée générale. Notre souci était et demeure de les informer pleinement afin de leur permettre de prendre position. Il en ira de même pour le vote sur le nouvel accord.

Une circulaire sera prochainement diffusée par Fortis Holding afin d'expliquer les différents points du dernier accord intervenu dans la nuit du vendredi 6 mars au samedi 7 mars. Sur base de cette circulaire et des informations complémentaires que nous allons demander au conseil d'administration, nous vous communiquerons notre analyse de la situation afin de vous aider à prendre position lors des assemblées générales.

Puisqu'il appartient aux actionnaires - c'est-à-dire à vous - d'approuver ou rejeter le nouvel accord, nous pensons qu'il est également important pour nous que nous puissions connaître votre opinion sur ce nouvel accord et sur l'évolution du dossier. Nous organiserons dès lors prochainement une consultation de tous nos clients afin de leur donner la parole et de recueillir leurs commentaires. Cette consultation devrait prendre la forme d'un petit questionnaire.

En attendant, nous continuons à explorer les autres pistes permettant de redonner à Fortis Holding le plus de potentiel de création de valeur ou à en récupérer. A cet égard, nous pensons que des démarches doivent être rapidement entreprises vis-à-vis de l'Etat néerlandais notamment en ce qui concerne les activités d'assurance aux Pays-Bas.

Nous allons également poursuivre nos efforts sur la composition du conseil d'administration de Fortis Holding afin de s'assurer que la société dispose d'un conseil plus étoffé, bénéficiant de toutes les compétences et expériences requises et qui soit parfaitement en ligne avec les intérêts des actionnaires.

Nous vous remercions une fois encore pour la confiance que vous nous témoignez et vous prions de croire, chère Madame, cher Monsieur, à l'assurance de notre considération distinguée.

L'équipe de Deminor

 

Il y aura bien une AG convoquée pour le 9 avril, mais celle-ci sera annulée.

Le temps a l'air suspendu à la suite des événements de la dernière assemblée générale. Mais c'est quand tout a l'air calme qu'il faut se préparer au pire.

 

11. Début avril Deminor et Modrikamen font enfin une proposition chiffrée de Stand Alone pour Fortis.

Nous espérons que le gouvernement belge va se rendre à l'évidence : la meilleure solution pour Fortis est le stand alone (littéralement traduit par « debout seul »).

Depuis le début, je pense qu'il s'agit là de la meilleure solution, en premier lieu pour les travailleurs de Fortis, ensuite pour les actionnaires et enfin pour les clients. Dans la formule stand alone, les pertes d'emplois seraient limitées à environ 1.500 tandis que dans celle de BNPP elles seraient de l'ordre de 5.000.

Je suis heureux de constater que cette option est enfin prise au sérieux par nos organisations de défense des actionnaires.

Elle sera même soutenue par quelques pointures de l'establishment financier belge que sont l'agent de change Petercam, Delacolette le patron turbulent de la Deutsche Bank Belgique et Axel Miller ex-patron de Dexia dégommé par Sarkozy.

Quel risque cela peut-il faire courir à l'Etat belge, autrement dit, aux contribuables ?

Pratiquement aucun ou pas plus qu'une autre banque du pays.

Mais les médias ont martelé depuis des mois que l'Etat ne pouvait pas se permettre de supporter la charge financière que représente le risque de Fortis en cas de faillite.

Cette éventualité est bien loin derrière nous puisqu'elle a été provoquée par un manque de liquidités dû à la perte de confiance en Fortis par les autres banquiers. Par ailleurs, Fortis est maintenant délesté des entreprises hollandaises et surtout du mastodonte qu'était ABN-Amro.

Et à partir du moment où l'État garantit la pérennité de la banque, la confiance est rétablie. Qui peut mieux qu'un État assurer les liquidités d'une banque, certainement pas une autre banque, même BNPP, puisqu'il est impossible de vérifier si elle est plus crédible que celles qui affichent des difficultés.

Le seul poste qui peut peut-être poser un problème chez Fortis est le SPV. Là où sont logés les crédits structurés dits toxiques, évalués à 8,5 milliards d'euros. Mais BNPP n'en a-t-elle pas elle aussi ? Cette banque a tout de même 139 filiales dans des paradis fiscaux. Elle est la première au classement des banques européennes. Et on sait que ces paradis fiscaux servent à camoufler de nombreuses opérations illicites et pas seulement fiscalement.

Par ailleurs le SPV produit aussi des intérêts et donc des revenus.

Nous allons voir dans les tableaux qui suivent la proposition chiffrée du stand alone pour Fortis. Ils ont été établis pour Deminor par des spécialistes et envoyés le 17 avril 2009 aux actionnaires membres de ce syndicat.

Mieux vaut tard que jamais !

Désolé, mais les tableaux suivants sont en anglais.

 

 

fortis11

 

 

fortis12
fortis13

 

Explication des tableaux

Au départ, en octobre 2008, l'Etat est actionnaire à 100% de Fortis Banque pour une valeur de 9,4 milliards d'euros.

Dans la revente à BNPP, l'Etat qui a investit 10,14 milliards d'euros (9,4 € + 0,74 pour SPV) dans Fortis Banque cède 75% de cette participation en échange d'actions BNPP.

Au moment de l'opération initiale entre l'Etat belge et BNPP en octobre 2008, l'action de la banque française valait 68 euros, entre temps le cours a chuté à 35,78. Conséquence : à ce cours l'Etat perdrait 4,8 milliards. (Le 2/06 le cours de BNPP était de 47,80€ ce qui diminue la perte)

Dans la proposition de stand alone reprise dans les tableaux ci-dessus, l'Etat apporterait 50% de Fortis Banque à Fortis Holding et ainsi réunifierait les deux entités. Il récupèrerait ainsi 4,7 milliards de son investissement et en conséquence l'Etat deviendrait actionnaire à 30% de Fortis Holding. Fortis Holding aurait à terme de 5 ans 2 options de 25% sur les parts encore détenues par l'Etat. A la fin du terme l'Etat pourrait récupérer les 4,7 milliards restants et ainsi récupérer sa mise de départ.

Mais par ailleurs l'Etat apporterait sa garantie sur le SPV pour 4,4 milliards.

En résumé dans le stand alone, l'Etat belge ne perd pas une partie du capital comme dans l'opération BNPP, il préserve sa valeur d'investissement, renforce le modèle de Banque-Assurance de Fortis, préserve l'emploi et les centres de compétence en Belgique.

C'est tout de même le devoir d'un gouvernement que de vouloir garder les activités essentielles et de décisions de la plus grande banque dans le pays.

Avec le stand alone une vraie estimation financière des capacités de Fortis Banque au sein de Fortis Holding est enfin présentée au choix de tous les intervenants. Il est évident que cette formule apportera aussi plus de valeur à l'entreprise Fortis Holding et donc un espoir de reprise de valeur pour les actionnaires.

Deminor et Modrikamen proposeront au CA d'ajouter à l'ordre du jour de la prochaine AG cette option de Fortis stand alone comme choix de vote à coté de celui de BNPP.

Les administrateurs la refuseront.

Il y a de quoi se poser réellement des questions sur l'intégrité de ceux-ci.

12. Nouvelle péripétie juridique.

Fortis annonce fin mars qu'il va intenter une action en justice pour déterminer qui aura le droit de vote à la prochaine assemblée.

Pressentant un achat important de titres de Fortis par des alliés de BNPP et qui pourrait  utiliser ce droit de vote à la prochaine assemblée, une nouvelle action judiciaire est lancée par Deminor et Modrikamen. Ils veulent faire confirmer que c'est uniquement, comme aux assemblées précédentes, les actionnaires historiques c'est-à-dire ayant acheté des actions avant le 14 octobre 2008 qui auront le droit de vote. Dans un premier temps le tribunal de première instance de Bruxelles donne raison aux plaignants. Mais Fortis interjette appel et la cour d'appel du 11 avril retourne la décision et autorise tous les actionnaires à participer aux votes.

Deuxième coup de jarnac des administrateurs contre les actionnaires.

En ouvrant le vote à tous les actionnaires, il est clair que cela va diluer la capacité des actionnaires historiques qui se sont opposés à la transaction avec BNPP.

Car les nouveaux actionnaires, très certainement des amis de BNPP, ayant acheté des actions Fortis à un prix dérisoire peuvent faire pencher la balance dans le sens de la banque française et en même temps au passage faire éventuellement une bonne plus-value..

Cette décision change fondamentalement le rapport de force entre les actionnaires.

Je suis très pessimiste sur l'issue de l'assemblée prochaine.

Heureusement deux jours avant celle-ci l'assureur Ping An après moult hésitations déclare enfin qu'il votera encore une fois contre le choix de BNPP.

Tout n'est peut-être pas encore perdu.

13. La 4ème assemblée générale est convoquée pour le 28 avril à Gent.

La veille de l'assemblée vers 22h00, une nième péripétie juridique a été encore tentée. Nos avocats avaient encore introduit une requête en référé auprès de la juge du tribunal de commerce de Bruxelles, Mme De Tandt. C'est cette même magistrate qui avait déjà jugé le 18 novembre 2008 que le démantèlement de Fortis ne devait pas être suspendu.

La requête voulait empêcher le droit de vote des hedge funds. Le lendemain matin, Mme De Tandt rejettera la demande de nos avocats arguant que cela a déjà été jugé le 11 avril 2009 en faveur de la participation de tous les actionnaires.

Mais tout ceci je l'apprendrai après l'assemblée.

Je me rends donc à Gent, dans les bâtiments de Flanders Expo, avec un maigre espoir.

Petit voyage dans la vieille ville flamande, car le Heysel n'est pas disponible ce jour là.

J'ai une certaine appréhension quant au lieu de la réunion, mais, malgré cela, il y a beaucoup de monde à cette assemblée. Environ 4.000 personnes sont présentes. Cela me réconforte un peu.

J'y rencontre encore de nombreux ex-collègues. C'est normal, car beaucoup de ceux-ci ont eu comme moi la mauvaise idée d'acheter des actions Fortis avec leur assurance groupe.

Et pour l'instant nous avons presque tout perdu.

Cet argent qui est l'économie de toute une vie était censé suppléer aux faibles retraites qu'on perçoit en Belgique. Pour ma part, ce montant, à 60 ans, après 40 années de travail, sera de 1.100 euros nets par mois.

Il y a donc des raisons sérieuses d'être en colère contre les dirigeants de Fortis.

La confiance dans les administrateurs actuels est elle aussi complètement nulle.

La séance s'ouvre comme prévu à 10h30 et Mr Modrikamen prend la parole pour dénoncer une nouvelle magouille du CA concernant les droits de vote. En l'occurrence, nos trois administrateurs sont dépositaires de procuration pour environ 270 millions d'actions provenant de sociétés dont la plupart sont des « hedges funds » situés aux îles Caïman.

Nouveau coup de Jarnac des administrateurs de Fortis Holding.

Les hedges funds sont des sociétés financières spéculatives qui ne s'intéressent pas au devenir des sociétés dans lesquelles elles investissent. Elles ont sans doute acheté des actions Fortis à un cours en dessous de 1 euro et dès qu'elles auront engrangé une plus-value intéressante, elles revendront ces actions. Ces sociétés sont les pires vautours du monde financier. Elles devraient être interdites, ainsi que les paradis fiscaux qui les abritent.

Ici à cette assemblée elles représentent plus de 10% des droits de vote et l'on soupçonne qu'elles maneuvrent à l'instigation de BNPP.

Nos avocats invoquent alors le droit des sociétés qui stipule que lorsque il y a achat important d'actions d'une entreprise, l' (les) acheteur(s) doit (doivent) se déclarer et faire œuvre de transparence préalablement à un vote.

Et si ces achats sont fait en concertation entre différents acheteurs, la règle s'applique tout autant.

Et manifestement ces hedge funds n'avaient pas déclaré l'achat de ces paquets de titres.

Ces actions ne pouvaient donc pas être utilisées pour voter à cette assemblée.

Le président du CA Jozef De Mey n'en a eu cure.

M. Modrikamen lui relit pourtant à plusieurs reprises l'article du Code des sociétés concernant cette déclaration de transparence.

Rien n'y fait.

C'est alors que, excédé par l'attitude du CA et porté par une assemblée furieuse de ce comportement inadmissible, M. Modrikamen a dans un premier temps appelle les actionnaires à se lever pour manifester leur désapprobation au CA.

Mais bien qu'ébranlé le président s'obstine dans son refus à tenir compte du vœu des actionnaires

M. Modrikamen appelle alors les actionnaires debout à se réunir au pied du podium où se trouvent le CA et ses conseillers.

La fureur de la salle est alors à son comble. Les administrateurs se font insulter copieusement et quelques objets non identifiés volent vers la tête des administrateurs.

M.Modrikamen monte alors sur la scène pour demander à l'assemblée de se calmer.

La tension baisse d'un cran, mais les actionnaires restent à proximité de la scène.

Après un certain temps de face à face, les administrateurs proposent de faire une pause pour se concerter et ils se retirent. La plupart des actionnaires restent en place.

A leur retour, l'assemblée n'a pas baissé sa garde car on peut s'attendre à tout de la part de ces administrateurs félons.

M. Nothomb de Deminor reprend la parole assez calmement pour à nouveau relire l'article du Code des sociétés.

La salle est suspendue à la réponse de M. Josef De Mey le président du CA.

« Ja, c'est nee ».

Et rebelote, la fureur reprend de plus belle.

Et un détail anecdotique m'a fait voir le courage de certains.

Pendant l'interruption, le CA avait fait appel à des agents de sécurité supplémentaires. Ils étaient disposés au pied du podium. Et, tableau pitoyable, ils avaient déployé devant eux un cordon serré de jeunes hôtesses qui devaient donc faire barrage entre les actionnaires furieux et eux-mêmes. Les filles avaient l'air assez effrayées et je les comprends.

Mais quel courage de la part de ces virils agents de sécurité !!

La réunion se poursuit toujours sur le même point, car l'assemblée refuse de commencer l'ordre du jour sans avoir débouté des droits de vote les titres litigieux des hedge funds.

Lors de prises de parole, des actionnaires émettent l'hypothèse que ces sociétés ont été probablement sollicitées par BNPP. Ce qui, dans le contexte de cette affaire, est tout à fait vraisemblable.

Le CA ne voulant rien entendre de la demande des nombreux actionnaires en colère, l'assemblée s'enlise dans le chaos.

M. Nothomb fait alors une proposition de compromis : « Votons maintenant sans le paquet d'actions contestées et réglons demain devant la Justice ce litige. Si la Justice décide que le Code des sociétés n'est pas applicable ici, les actions seront ajoutées aux votes pour BNPP ».

Voilà ce que j'appelle créer une ouverture valable.

Mais le président, sans explication, rejette également cette proposition. Il faut dire que le président De Mey n'en mène pas large.

D'autres orateurs auront la parole, certains pour défendre l'accord avec BNPP. Ils seront pris à partie verbalement par d'autres participants et j'ai cru un instant que cela allait tourner en pugilat.

Ce ne fut pas le cas, ouf !

J'avais eu la bonne idée de prendre quelques provisions de bouche et une bouteille d'eau car, contrairement aux autres assemblées, il n'y avait presque rien à grignoter. En tous cas, vers 14h00 il n'y avait plus rien et je n'étais pas le seul à n'avoir rien reçu à manger.

Nous avons évidemment pensé que cela était intentionnel en vue de nous affamer et se débarrasser plus vite de ces emmerdeurs d'actionnaires.

Enfin, vers 16h00, après 5 heures de huées, d'insultes mais aussi de propositions de compromis rejetées, le président décide de passer aux votes.

La salle réagit encore vigoureusement malgré la fatigue.

Le président passe outre.

M.Modrikamen demande alors aux actionnaires mécontents de quitter la salle et de renoncer à cette parodie de vote car étant faussé, il est sans espoir.

L'ensemble des actions déposées représentait 26% de la totalité des actions Fortis. Ce pourcentage est le plus important de toutes les AG. Les organisations d'actionnaires Deminor, Modrikamen, etc opposées à BNPP en représentaient tout au plus 3% et Ping An près de 5%.

Les procurations contestées des hedge funds en représentaient à elle seule près de 10%.

Avant de sortir, je pus quand même constater sur les écrans géants disposés un peu partout dans la salle, le succès de l'accord avec BNPP, puisque ce vote fut évidemment approuvé à près de 73%.

Fin de l'assemblée : encore une fois, les pourris ont gagné.

Triste et amer constat mais cette saga prendra-t- elle fin ici ?

L'on peut s'attendre à encore quelques péripéties judiciaires

 

De retour en train jusqu'à Bruxelles j'eus l'occasion d'échanger des propos avec des ex-collègues et d'autres personnes qui avaient participé à cette assemblée.
Tous étaient dégoûtés et partageaient le même point de vue : les dirigeants de ce pays, qu'ils soient politiques, financiers ou juridiques sont des personnes malhonnêtes, pour ne pas les qualifier plus grossièrement.

14. Conclusions.

Il y a de nombreux enseignements à retenir de cette saga.

  1. Sans l'ego démesuré de Jean-Paul Votron et de Maurice Lippens, Fortis ne se serait pas enferré dans l'achat d'ABN-Amro au prix exorbitant de 24 milliards d'euros.

  2. Sans l'achat d'ABN-Amro, Fortis n'aurait presque certainement pas plongé le 26 septembre. Les subprimes n'ont pas été le phénomène qui a lui seul a été déterminant.

  3. Je soupçonne les autres banquiers, et BNPP en particulier, en fermant le robinet des liquidités envers Fortis, d'avoir précipité sa chute le 26 septembre en vue de faire une bonne affaire.

  4. Les États belge, néerlandais et luxembourgeois ont eu raison d'intervenir financièrement le week-end du 27 et 28 septembre pour sauver Fortis de la faillite, comme l'ont fait d'autres pays pour leurs banques.

  5. Mais ensuite, le gouvernement des Pays-Bas n'a pas respecté de sa parole et a profité de la déstabilisation créée par son refus de participation financière pour faire main basse sur la partie néerlandaise de Fortis et ainsi récupérer ABN-Amro. On peut qualifier ce comportement de nationalisme batave.

  6. Le ministre des Finances Didier Reynders a profité également de la déstabilisation créée par les Hollandais pour refiler à un bon prix Fortis Banque/ Assurances Belgique à son ami Sarkozy via BNPP qui n'attendait que cela. Ici, pas de nationalisme belge ! Mais en échange de quoi pour M. Reynders ?

  7. Difficile à admettre qu'un gouvernement dépouille ainsi ses concitoyens actionnaires de leur droit de propriété. Comment faut-il appeler cela ? De la piraterie ?

  8. Comment comprendre que des administrateurs d'une société se moquent totalement de l'avis de la plupart des actionnaires et au contraire travaillent contre leurs intérêts ?

  9. Comment comprendre les syndicats des travailleurs qui se moquent eux aussi des intérêts des travailleurs qu'ils sont censés défendre ? Je crains le pire à venir pour les employés et cadres des Services centraux de Fortis. L'État néerlandais a déjà annoncé la suppression de 4 à 5.000 postes de travail aux Pays-Bas d'ici 2012.

  10. Difficile à admettre que certains magistrats soient aux ordres du politique ! Peut-on encore avoir confiance dans la Justice ? Et certains se demandaient si l'on était encore dans un État de droit. Mais il est quand même réconfortant de constater que quelques magistrats n'ont pas cédé à la pression des politiques.

  11. Intolérable de constater que les experts, qui sont d'éminents juristes ou économistes désignés par le tribunal à la demande des actionnaires, soient à la botte du gouvernement et rendent un rapport partial défavorable aux demandeurs.

  12. Enfin, il est rassurant que des petits actionnaires qui sont généralement passifs, puissent faire montre d'autant de détermination, et cela, sans doute, grâce aux avocats des associations de défense que je félicite au passage.

  13. Toutes les magouilles sont bonnes pour ceux qui sont al copette. Cela est révélateur de la mentalité qui règne dans l'esprit des gens de pouvoir. Pour eux, plus de loi qui tienne, seul compte le rapport de force : « C'est l' ce qu'est al copette qui té l' serpette » (Julos Beaucarne).

  14. Comment mesurer l'impact de cette affaire sur les 500.000 actionnaires qui ont perdu une grande part de leurs économies ? En constatant la collusion entre des financiers et des politiques, cela leur rappelait « les banksters », le slogan de Léon Degrelle...

  15. Cette histoire est aussi une nouvelle fois l'illustration du délitement d'un Etat qui se nommait Belgique. Mais cet aspect de l'affaire Fortis comme avant de la Générale de Belgique et d'autres ne m'émeut pas. Il y a longtemps que mon pays est la Wallonie.

 

Et pour ma part, ce ne sont certainement pas les quelques milliers d'euros que j'ai perdus en ayant acheté des actions Fortis qui me peinent le plus, mais la façon dont cette affaire a été traitée.

Les coupables sont en premier lieu le ministre Reynders, ensuite les syndicats de Fortis, certains magistrats et enfin les administrateurs de Fortis.

Mais pouvions nous nous attendre à autre chose de la part de ces derniers, cette catégorie d'individus qui a toujours fonctionné dans le monde de la finance où l'attitude cynique et mercantile  est toujours la norme. Par contre l'attitude des autres acteurs est intolérable.

Si les personnes censées représenter pour le citoyen lambda, la loi, la justice, la probité, l'honnêteté, l'intégrité, bref l'autorité morale et démocratique, si ces personnes foulent aux pieds les règles de droit, alors les citoyens se disent : pourquoi continuerions-nous à les respecter ?

C'est ainsi que s'installe petit à petit l'estompement de la norme et que les citoyens se tournent vers le poujadisme, voire l'extrême-droite.

Cette histoire montre bien autre chose qu'une lutte de gros sous entre des actionnaires et l'establishment. Pour beaucoup, elle fut finalement révélatrice de la société dans laquelle ils vivent. Et le bilan est largement négatif.

15. Et l'avenir ?

Le sort des banques.

En 1934, le législateur belge avait décidé de séparer la banque de dépôts de celle d'investissements. Il y avait ainsi un compartiment plus ou moins étanche entre la holding Société Générale de Belgique et la banque dénommée plus tard Générale de Banque.

Ce principe garantissait la sécurité de l'épargne, puisque la banque de dépôts ne pouvait servir à des investissements comprenant un certain risque.

En 1993, les gouvernements européens ont fait sauter ce verrou dans la mouvance de la libéralisation des marchés, appelée aussi du beau mot très significatif de « dérégulation ».

Cela permettait aux banques de dépôts de pouvoir aussi se lancer dans l'aventure de l'investissement, l'un des credo du monde libéral.

Si l'on veut changer les choses aujourd'hui, il faut aller plus loin dans la reprise en main des banques. Les dépôts et les crédits doivent être sous l'autorité de l'État.

Il n'y a pas longtemps, la CGER et le Crédit Communal n'étaient rien d'autre que des Institutions Publiques de Crédits (IPC) sous l'autorité de l'État. Ces entreprises bancaires effectuaient parfaitement la mission pour laquelle elles avaient été créées, à la satisfaction de tout le monde.

Cette fonction vitale pour un État ne peut pas être laissée entre les mains du privé, qui, tôt ou tard, se laisse entraîner dans sa logique du profit maximum.

La Wallonie pourrait remettre en place ce système bancaire. La Caisse d'Investissement qui vient d'être lancée en est peut-être un début.

Les transactions financières vers les paradis fiscaux devraient être interdites au niveau européen et idéalement au niveau international, mais cela me paraît actuellement difficile à imposer.

Les opérations financières de spéculations effectuées par des traders ne contribuent en rien au bien-être de la planète. Au contraire elles sont nuisibles à l'économie, aux entreprises et finalement aux citoyens.

Toutes ces réflexions sont évidemment à l'opposé de l'idéologie libérale encore vigoureuse malgré ses déboires récents.

L'application de ces mesures et d'autres radicales, tout aussi nécessaires, entraîneront de violents affrontements entre les possédants et les partisans du changement. Cela se fera, je le crains, dans la douleur.

La crise financière internationale a causé d'énormes dégâts sociaux et va continuer malheureusement à en causer encore beaucoup. Au plus fort de celle-ci, certains ont hurlé dans les médias -à juste titre - qu'on ne pouvait plus accepter le comportement irresponsable des financiers et qu'il fallait une révolution économique ou l'être humain reprenne la place centrale qui est la sienne. Eh bien, ils ont mille fois raison.

Mais est-ce dans ce but qu'on a vu le gouvernement américain de Mr Bush nationaliser certaines entreprises financières ? Une attitude impensable seulement un mois plus tôt.

Qu'on a vu également Mr Sarkozy, ce chantre du libéralisme, faire des déclarations tonitruantes contre l'attitude du monde financier ?

Qu'on a vu tous les États européens voler au secours du secteur financier en lui apportant des garanties et des ressources invraisemblables, et cela en s'endettant à charge du futur ?

Ne nous y trompons pas : ces beaux discours ne doivent pas nous faire croire que les dirigeants ont décidé de changer les valeurs capitalistes de ce monde. Ils essayent tout simplement de les sauver parce qu'il est aux abois. Ceci est une crise, certes plus sérieuse que les dernières connues, mais comparable à celle de 1929 et pour eux elles ne sont jamais qu'un simple réajustement du marché....

Demain, lorsque l'orage sera passé, alors que les citoyens devront éponger les dettes des États, ces financiers reprendront de plus belle leurs courses aux gains effrénés, sans se soucier des dégâts qu'ils ont causés et qu'ils causeront encore. Car, même conscients de leur nuisance, ils sont incapables d'envisager autre chose.

Ce monde sans foi ni loi, d'un cynisme dégoûtant, n'est pas nouveau, mais les moyens planétaires à disposition de ces prédateurs permettent aujourd'hui de tout « foutre en l'air », à une échelle jamais égalée.

Face à cela, notre société est toujours lancée avec frénésie dans la course à la consommation depuis les années 50. Cet idéal bourgeois, avoir plus plutôt qu'être plus, avoir toujours plus de « confort », idéal qu'on fait miroiter comme étant le summum du bonheur, tout cela détourne les citoyens des enjeux vitaux qui sont la Liberté, l'Egalité et la Solidarité.

Il y a heureusement des personnes pour qui ces trois valeurs conservent un sens profond et qui luttent pour que le monde ne soit plus entre les mains de personnages tels que j'en ai rencontré dans la saga Fortis.

Ce chemin est ardu, car notre culture occidentale et notre enseignement qui en découle sont basés sur la compétition, la performance, le résultat et finalement le profit et cela à n'importe quel prix.

Et pourtant cette réussite professionnelle tant convoitée par la plupart ne mène-t-elle pas finalement à l'échec personnel, à une vie vide de sens ?

Faut-il accumuler des biens matériels ou du pouvoir pour combler une vie ?

Votron et Lippens, sans vouloir m'appitoyer sur leur sort, n'ont-ils pas été broyés par le système qu'ils ont tant chéri ?

Post-scriptum.

Ce matin du mois de mai 2009, en ouvrant mon PC-banking, c'est-à-dire mon compte bancaire électronique Fortis, j'ai eu la désagréable surprise de découvrir qu'il s'affiche maintenant en vert, aux couleurs de BNPP. J'apprends également par la presse que Fortis Insurance s'appellera dorénavant AG Insurance, comme autrefois, avant que ce bon Maurice ne jette son dévolu sur une compagnie d'assurances néerlandaise et qu'il donne le nom de FORTIS à la nouvelle société.

Retour à la case départ.

 

Bibliographie  pour ceux qui veulent en connaître plus :

-  Banqueroute de Martine Maelschalk, Marc Lambrechts et Michaël Sephina, journalistes à L'Echo et publiés aux éditions Racine.

-  Fortis jusqu'au bout de Michaël Modrikamen et Charles Bricman aux éditions Luc Pire.

-  La crise et après de Jacques Attali aux éditions Fayard, plus technique mais très intéressant.