Régulation de la finance folle dans une confédération Wallonie-Bruxelles

15 May, 2009

[L'aspect politique de cet texte avait déjà été traité par F.Bismans in Pour un modèle confédéral ]

Tsunami financier, plus grave crise depuis 1929, événement totalement imprévisible, épisode de folie collective, fin d'une époque, telles sont quelques-unes des expressions employées pour tenter de décrire - et de circonstance peut-être ! - un phénomène absolument nouveau : une crise « systémique », donc « globale », qui touche l'ensemble du système financier mondial. De surcroît, la récession qui l'accompagne et qu'elle aggrave aussi, n'est pas notre futur, elle est d'ores et déjà notre présent. Les apôtres du « tout au marché », jusqu'il y peu d'une arrogance sans bornes, ont, pour les plus malins d'entre eux, senti que le vent tournait : ils n'ont désormais plus à la bouche que les mots « régulation » et « moralisation du capitalisme ». Face à ce déluge de « communication », tentons simplement de comprendre et puis de proposer...

Qu'est-ce qu'une banque ?

Inutile de remonter loin dans le passé pour répondre à la question. Il est suffisant de se reporter à ce que disait le législateur en 1993 : « Sont définies comme établissements de crédit, les entreprises belges ou étrangères dont l'activité consiste à recevoir du public des dépôts d'argent ou d'autres fonds remboursables et octroyer des crédits pour leur propre compte ». En termes plus techniques, une banque est un intermédiaire financier qui récolte l'argent sous forme de dépôts et qui transforment ces dépôts en crédits. C'est cette possibilité de recevoir des dépôts qui différencient les banques commerciales des banques d'affaires ou d'investissement (ces dernières sont encore appelées holdings).

Le dépôt peut prendre différentes formes : dépôt à vue, dépôt d'épargne, dépôt à terme. Les différents types de dépôts sont rémunérés par un taux d'intérêt déterminé, variable en fonction de la liquidité du dépôt, i.e. la facilité avec laquelle il peut être transformé en monnaie : ainsi, les dépôts à vue ne sont presque pas rémunérés ; les dépôts d'épargne, qui sont des actifs « quasi-liquides », le sont davantage et ceux à terme le sont encore plus. (En principe, plus le terme est lointain et plus l'intérêt est élevé.) Voici un tableau qui donne la répartition des dépôt en Belgique selon chacune des formes distinguées et selon également l'origine de ces dépôts.

 

Tableau 1. Répartition et origine des dépôts (millions d'euros)

2002

Dépôts à vue

Dépôts d'épargne

Dépôts à terme

Total

Particuliers et indépendants

26.335

107.412

16.143

149.890

 

20.194

3.119

20.253

43.566

 

7.583

183

20.229

27.995

Administrations publiques

3.970

132

2.265

6.367

 

58.082

110.846

58.890

227.818

Source : ABB (Association Belge des Banques)

 

Plusieurs enseignements peuvent être tirés de la lecture de ce tableau :

(i) les dépôts à vue sont le fait des particuliers et dans une moindre mesure, des entreprises ; il en va de même des dépôts d'épargne, qui sont constitués de manière écrasante par ces mêmes particuliers ;

(ii) les dépôts à terme, par contre, ont la faveur des entreprises (financières et non financières), les particuliers n'y recourant que dans une moindre mesure ;

(iii) si l'on compare le total des dépôts, soit 227.218 millions d'euros, au Produit Intérieur Brut (au prix du marché), qui est égal à 260.744 millions d'euros, on s'aperçoit de l'importance quantitative de ces dépôts.

 

Il faut cependant préciser que les banques ont beaucoup évolué lors de cette dernière décennie, qu'elles se sont internationlisées et ont entrepris de multiples fusions et regroupements, que la distinction entre les établissements de crédit et les holdings a eu tendance à s'estomper au fil du temps et qu'enfin, elles se sont tournées également vers le secteur de l'assurance. Dans ces conditions, les banques belges se sont transformées en véritables groupes de « bancassurrance ». Ajoutons que, sur le marché belge, ces groupes étaient (le passé est de rigueur, la crise financière étant passée par là !) au nombre de cinq, à savoir dans l'ordre alphabétique :

• Axa-Royale Belge (Anhyp+Ippa) ;

• Dexia (Dexia Banque ou Crédit Communal, Artesia, Bacob, Crédit agricole, Eural, Parfibank) ;

• Fortis (Générale de Banque + CGER + SNCI, Banque de la Poste, Belgolaise) ;

• KBC (Kredietbank + CERA, Centea, Crédit général, Antwerpse Diamantbank, Krefima) ;

• ING (ING Belgique-BBL, Caisse privée Banque, Dipo, Banque d'épargne Patriotique, Record Bank).

 

Les déposants - particuliers, entreprises, etc. - prêtent à une banque leur argent. Celui-ci va être utilisé par cette dernière pour octroyer des crédits destinés à d'autres personnes ou sociétés. Bien entendu, la banque va verser à ces déposants un intérêt (nul ou peu s'en faut, on l'a vu, pour les dépôts à vue ; nettement plus important pour l'épargne ou les comptes à terme). Le taux d'intérêt payé par la banque aux déposants est appelé taux d'intérêt créditeur; celui réclamé par la banque à ceux à qui elle prête de l'argent est dit taux d'intérêt débiteur. La marge bancaire - plus prosaïquement le profit des banques - est la différence entre taux d'intérêt créditeur et taux d'intérêt débiteur. C'est cette marge qui permet aux banques de couvrir leurs coûts et de réaliser en plus un excédent, un profit. Il s'ensuit - remarque extrêmement importante - que plus une banque accorde des crédits et plus elle doit créer de la monnaie...

La création de monnaie par les banques

La monnaie a d'abord été, historiquement un bien matériel, une marchandise telle que l'or ou l'argent. Progressivement et selon un processus qu'il n'est pas nécessaire de retracer ici, le métal a fait place à de simples signes de valeur, les billets de banque. La monnaie s'est ainsi dématérialisée. Lorsque le billet de banque a perdu tout lien avec l'or, sa valeur en vint à dépendre exclusivement de la confiance qu'on lui accordait d'où le nom de monnaie fiducaire (fides = confiance en latin) utilisé pour désigner l'ensemble des billets de banque, y compris bien sûr les pièces de monnaie. A noter que cet ensemble est également appelé base monétaire.

Cependant, de nos jours et depuis au moins un siècle et demi, la monnaie fiducière a été complétée par une autre forme de monnaie, appelée scripturale. (Cette dénomination s'explique par le fait que la monnaie en question résulte d'un simple jeu d'écritures tenues par les banques commerciales.) On la qualifie également de monnaie de crédit, pour des raisons que l'on va à présent expliciter.

Les banques commerciales créent en effet de la monnaie en octroyant des crédits. Pour bien le comprendre, considérons une économie simplifiée qui comporte une banque centrale (par exemple, la Banque Nationale de Belgique, la Banque de France, la Banque Centrale européenne, etc.) disposant du privilège de l'émission des billets et des pièces, et d'une seule banque commerciale, pour la commodité notée X, ainsi qu'un secteur non bancaire constitué de particuliers et d'entreprises.

Supposons alors qu'un particulier, du nom de Dupond, dispose de 10.000 euros. Qu'il décide, après mûre réflexion, d'en déposer la totalité à la banque X. Supposons aussi que cette dernière conserve 10% de tous ses dépôts sous forme de réserves pour honorer d'éventuelles demandes de remboursement. (Le taux de 10% est appelé coefficient de réserve.) Par conséquent, notre banque peut donc, en bonne logique, prêter 9.000 euros à un certain particulier- appelons-le Ducon. Ce dernier décide illico de déposer ces 9.000 euros sur le compte à vue dont il dispose à la banque X. Celle-ci conserve le dixième comme réserve destinée à faire face à tout remboursement et accorde un prêt à un de ses clients, nommé Durand, pour un montant de 8.100 euros. Notre Durand, client de X, redépose immédiatement la somme de sa chère banque, qui va à nouveau en conserver un dixième et prêter le solde à un particulier ou une entreprise. Ce dernier ou cette dernière décide ensuite de déposer ce montant à un guichet de X qui le prête à raison de 90% à un de ses autres clients, etc., etc.

Au total, le dépôt initial effectué par Dupond auprès de la banque X (soit 10.000 euros) s'est accru par vagues successives : 10.000 + 9.000 + 8.900+ ...=100.000.

En d'autres mots, la somme de 10.000 euros est devenue, au terme du processus, 100.000 euros, ce qui signifie qu'elle a été multipliée par 10. (On trouve le nombre de 100.000 simplement en appliquant la formule suivante : le montant final des dépôts - 100.000 euros - est égal au produit du dépôt initial - 10.000 euros - par l'inverse du coefficient de réserve, i.e. 1/0,1 = 10.) Le nombre 10 est dit être le multiplicateur des dépôts.

On peut décrire ce processus de multiplication sous un angle légèrement différent. En effet, la banque X a au départ octroyé un prêt de 9.000 euros à son client Ducon, qui a déposé cette somme chez son banquier X. Ce dernier octroie un nouveau prêt à Durand pour un montant de 8.100 euros, montant qui après avoir été déposé servira à accorder un nouveau prêt de 7.290 euros et ainsi de suite. Le crédit initial de 9.000 euros devient ainsi : 9.000+8.100+7.290+...= 90.000

Au total, la somme de 9.000 a été multipliée par 10, qui représente ainsi le multiplicateur des crédits. (Comme auparavant cette valeur de 10 est égale à l'inverse du coefficient de réserve, i.e. 1/ 0,1.)

Cet exemple, quoique très simplifié, suffit cependant à montrer comment les banques commerciales créent de la monnaie de crédit, de la monnaie scripturale. Un tel phénomène est possible, parce que les banques en question ne conservent qu'une fraction de leurs dépôts sous forme de billets - c'est leur encaisse, dit-on - et prête le solde à leurs clients, particuliers ou entreprises.

Toujours est-il donc qu'à côté des billets et des espèces, il existe une autre monnaie, dite de crédit, créée par les banques, et dont le montant est exactement égal à la différence entre le total des dépôts qu'elles ont reçu et la fraction de ces dépôts qu'elles conservent comme encaisse. Aujourd'hui, la monnaie de crédit représente -et de très loin- la principale forme de monnaie, ainsi que l'indique le tableau 2.

 

Tableau 2. Monnaie fiduciaire et dépôts dans la zone euro (milliards d'euros)

2006

2007

2008 (août)

Monnaie fiduciaire

578,4

625,8

653,7

Dépôts à vue

3107,0

3206,9

3191,0

Source : Banque Centrale européenne

 

Le contrôle prudentiel des banques

La création de monnaie de crédit est permise dans la mesure où les banquiers ne conservent pas la totalité des sommes déposées dans les comptes, qui sont au contraire, pour la plus grande partie, prêtées à leurs clients. Cette manière de procéder s'est imposée historiquement : les banquiers se sont en effet aperçus qu'il fallait détenir une encaisse en billets juste suffisante pour faire face aux demandes de retraits des clients. Un problème peut toutefois surgir lorsque les retraits sont trop nombreux ou trop importants : la banque se trouve alors dans l'incapacité de rembourser les sommes déposées et c'est la faillite avec toutes ses conséquences à la fois pour la banque et ses déposants. Une telle issue fatale n'est possible que parce que l'encaisse de la banque est inférieure aux crédits distribués. Cela, en principe, tout le monde le sait, en particulier dans les milieux bancaires et financiers. Pour preuve, cette déclaration à L'Echo (samedi 18/10/08 au lundi 20/10/08) de Jean Peterbroeck, un ancien président de la Bourse de Bruxelles : « Si une banque a des dépôts plus importants que les crédits qu'elle octroie, elle ne connaît pas de soucis majeurs. »

Mais il y a pire encore, car si toutes les banques qui composent une économie sont incapables de rembourser leurs clients - par exemple, parce qu'il y a une « ruée bancaire -, alors c'est tout le système bancaire qui risque de tomber en faillite et de s'écrouler en entraînant l'économie réelle dans sa chute. C'est ce que l'on appelle le risque systémique, c'est-à-dire le risque de dislocation du sytème bancaire et financier et donc de l'ensemble des paiements. Sans aller jusqu'à cette extrêmité, une crise financière, même partielle, affecte de toute façon négativement l'économie réelle.

C'est pour éviter de tels risques - spécialement le risque systémique - que tous les pays ont les uns après les autres institué une banque centrale. Celle-ci a en premier lieu acquis le monopole de l'émission des pièces et billets. Elle a ensuite appris à contrôler, du moins dans certaines limites, la création de monnaie scripturale par les banques. Un des moyens afin d'y parvenir est simple : rendre obligatoire une valeur déterminée pour le coefficient de réserve, par exemple 10% ; on a en effet vu que plus ce coefficient est élevé et plus faible est la monnaie créée par crédit bancaire. La banque centrale peut également freiner la création de monnaie de crédit en imposant aux banques commerciales de constituer des réserves obligatoires déposées sur un compte central. De telles mesures relèvent de ce que l'on pourrait appeler la régulation macro-prudentielle. (Notons qu'une banque centrale influence aussi la quantité de monnaie en circulation par sa politique monétaire, notamment en faisant varier le taux d'intérêt de référence.)

A côté de cette régulation macro-prudentielle, il en existe une autre de caractère microéconomique. Depuis 2004, la Commission bancaire, financière et des assurances (CBFA) est en Belgique chargée du contrôle micro-prudentiel des banques. Son objectif général consiste en ce que les banques, qui disposent de fonds provenant du public, soient en mesure de remplir leurs obligations vis-à-vis de leur clientèle. Du point de vue qui nous intéresse ici, cet objectif se traduit essentiellement par la surveillance du niveau de solvabilité des banques. De ce point de vue, il existe des normes recommandées par le Comité de Bâle (Banque des Règlements internationaux), en particulier ce que l'on nomme le ratio Cooke établi en 1988. En gros, l'idée est que le rapport entre les fonds propres d'une banque et ses dettes (figurant au bilan ou hors bilan) ne doit pas être inférieur à 8%. (Le ratio Cooke relevait des accords de Bâle, dits Bâle I ; actuellement, Bâle II s'y est substitué et a mis au centre de son dispositif prudentiel une nouvelle version du ratio, plus sévère, connue sous le nom de ratio McDonough.)

Pour une réforme bancaire

Dans les cercles dirigeants, le mot d'ordre est actuellement de réguler le capitalisme financier. Ce que ces dirigeants entendent par là - mis à part quelques mesures de nationalisation partielle ou de prises de participation décidées dans la hâte - est finalement assez nébuleux et des plus limité. En réalité, le fonctionnement d'une banque, qu'elle soit nationalisée ou pas, est vicié à la base. Deux éléments explicatifs sont à prendre en considération de ce point de vue :

    1. La source du profit d'une banque réside, on l'a vu, dans la différence entre les intérêts débiteurs qu'elle fait payer sur les crédits de toute maturité qu'elle accorde et les taux d'intérêt créditeurs, nuls en ce qui concerne les dépôts à vue. Il s'ensuit très logiquement que plus une banque octroie de prêts et plus ses profits croîtront en conséquence. Une banque est donc amenée à prêter toujours davantage pour maximiser sa marge bénéficiaire.

    2. Toute crise bancaire est une crise de liquidité dans la mesure où les banques concernées se trouvent incapables de faire face à leurs engagements par suite d'une couverture seulement très partielle de leurs dépôts à vue par la monnaie fiduciaire qui a cours légal (l'euro en l'occurrence) ; dans un tel système, les crises de liquidité sont potentiellement inévitables et générées en quelque sorte de manière endogène.

Ajoutons à ces deux facteurs fondamentaux que la banque moderne, c'est-à-dire celle qui s'est mise en place durant ces vingt-cinq dernières années, fait bien d'autres choses qu'emprunter, prêter et gérer les système de paiements ; en particulier, elle a multiplié les opérations telles que :

 

  • la bancassurance ;
  • la gestion de patrimoine (le « private banking », très rentable en général !) ;
  • les transactions sur devises et sur produits dérivés (parfois très rentables mais aussi très risquées !), etc.

 

La caractéristique de ces différentes opérations est qu'elles ne sont pas reprises dans les bilans comptables des banques ; elles relèvent de ce que l'on pourrait appeler le « hors bilan ». Elles constituent cependant une source additionnelle d'instabilité, ainsi que la récente crise du subprime américain le démontre à suffisance.

Si l'on veut bien tenir compte de ces trois facteurs, alors il devrait être clair que les soi-disant mesures de régulation ne peuvent remédier à l'instabilité foncière du système financier. Pour paraphraser Jaurès, le capital bancaire porte en lui la crise comme la nuée l'orage. Aussi seule une réforme profonde des structures bancaires est-elle apte à réguler le secteur et le mettre au service du développement de l'ensemble de la société. En voici les éléments essentiels :


1. la fonction de gestion des dépôts à vue et celle de prêteur sont radicalement séparées, ce qui se traduit par l'existence de deux entités bancaires complètement distinctes : les banques de dépôt, que l'on appellera caisses de dépôt d'un côté ; les banques de prêt ou de crédit, que l'on appellera simplement banques, de l'autre.
2. les caisses se limiteraient à la gestion des fonds ou dépôts qui leur sont confiés (elles factureraient, à leur coût exact, les services rendus aux clients, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui, fût-ce partiellement) ; il leur serait interdit d'octroyer quelque prêt que ce soit ; pour leur part, les banques (de crédit) ne seraient pas autorisées à recevoir des dépôts ; par contre, elles emprunteraient sur le marché et pour un terme déterminé les capitaux qu'elles replaceraient ensuite à un terme moins long (ce qui est une pratique de saine gestion !). En conséquence, les bilans (simplifiés) des deux institutions comparés à celui des banques actuelles se présenteraient comme suit :


Bilan


3. Puisque ni les caisses ni les banques ne peuvent plus créer de monnaie scripturale ou de crédit, il revient à l'Etat d'assurer l'augmentation régulière de la masse monétaire. La règle suivante s'appliquerait : accroître, chaque trimestre, la masse monétaire d'un pourcentage égal à la croissance réelle (i.e. hors hausse des prix) du Produit Intérieur Brut constatée lors du trimestre précédent en y ajoutant un demi pour cent d'inflation. (Une hausse des prix modérée, c'est-à-dire de l'ordre de 2% annuellement, est en effet un facteur de croissance équilibrée et régulière ; elle permet en quelque sorte de « huiler » toute l'économie !) Dans cette perspective, le produit de la création monétaire revient donc naturellement et entièrement à l'Etat.

Ajoutons que la réforme bancaire devra nécessairement s'appliquer à toutes les banques, qu'elles soient résidentes ou étrangères, situées dans le périmètre d'un Etat déterminé, de manière à ne pas introduire de distorsions de concurrence ; il s'ensuit que la concrétisation de la réforme ne suppose donc nullement qu'elle soit adoptée par plusieurs pays simultanément - un seul suffit !

Confédéralisme et mise en oeuvre de la réforme des structures bancaires

Disons-le d'emblée, le cadre envisagé pour la réforme bancaire est celui d'un Etat belge profondément « remodelé » dans un sens confédéral - voir mon texte « Une Wallonie enfin maîtresse d'elle-même » -, ce qui implique :

• la dissolution de la Communauté française et l'attribution de ses compétences actuelles aux régions wallonne et bruxelloise ;

• la réalisation d'une grande réforme de l'Etat belge qui conduirait, notamment, à transférer aux Régions la totalité de la politique macroéconomique, actuellement de la compétence fédérale ;

• la mise en place, dans ce cadre confédéral avancé, d'une Fédération Wallonie-Bruxelles, partenaire du deelstaat flamand, destinée à recueillir les compétences nouvellement transférées, en matière de politique économique, qui seraient, de ce fait, gérées en commun ; s'ajoute à ces compétences, du point de vue qui nous occupe ici, la fixation des normes juridiques, en particulier le droit bancaire et de l'assurance, le droit commercial et celui des sociétés ;

• les compétences de la Fédération dans le domaine de la politique macroéconomique s'étendraient jusqu'à la constitution d'une Banque Centrale de Wallonie et de Bruxelles, autonome, mais confédérée avec son pendant flamand, de manière à constituer la Banque Confédérale de Belgique ; cette Banque Centrale exerceraient toutes les fonctions actuellement réservées à la Banque Nationale de Belgique (BNB), en ce compris le contrôle macro-prudentiel des banques commerciales.

 

La mise en oeuvre de la réforme bancaire doit s'opérer en conséquence au niveau de la Fédération, donc du binôme territorial Wallonie-Bruxelles, et selon la procédure suivante :

1. Chaque banque qui exerce aujourd'hui la double fonction de gestion des dépôts et d'émettrice de prêts choisit de devenir soit une caisse de dépôts soit une banque de prêt.

2. A la date fixée pour le démarrage de la réforme, les banques qui ont opté pour le statut de banque de prêt cessent toute activité de gestion des dépôts qui leur ont été confiés ; ces derniers sont transférés par leurs titulaires dans une caisse de leur choix ; quant aux organismes qui ont choisi d'être caisse de dépôts, ils continuent à gérer leurs prêts antérieurs, mais n'octroient plus de nouveaux crédits.

3. Au démarrage de la réforme toujours, la Banque Centrale de Wallonie et de Bruxelles accorde, pour le compte de la Fédération, un prêt à long terme au secteur bancaire, prêt dont le montant est égal au total des dépôts à vue et des dépôts à terme de moins de trois mois non couverts par la monnaie fiduciaire, i.e. l'euro. (L'inclusion des dépôts à terme de moins de trois mois est justifiée parce que ceux-ci constituent des quasi-liquidités, qu'il faut donc prendre en considération durant la période de transition ; ceci implique naturellement que ces dépôts à terme doivent eux aussi être transformés en dépôts à vue.)

4. Le prêt consenti est réparti entre caisses et banques de manière à que tous les dépôts existants (à vue et à terme de moins de trois mois) soient entièrement couverts par une encaisse en euros. De plus, le prêt en question est assorti d'un taux d'intérêt faible, par exemple de l'ordre de deux pour cent et ce, au bénéfice de la Fédération.

5. Une fois qu'un prêt octroyé antérieurement par les caisses de dépôts est intégralement amorti, son produit est reversé à la Banque Centrale, qui peut l'utiliser en le reprêtant à long terme aux banques de crédit de sorte que ces dernières puissent exercer au mieux leur fonction d'octroi de prêts.

 

A l'issue de la période de transition, c'est-à-dire lorsque tous les crédits antérieurs à la réforme ont été remboursés, le bilan global des deux institutions bancaires se présente comme suit :

- le passif des caisses de dépôt est égal à la somme des dépôts à vue et est exactement contrebalancé par leur contrepartie en euros sous forme de billets, pièces et aussi dépôts à la Banque Centrale de Wallonie et de Bruxelles ;

- le passif des banques de crédit est constitué du montant des emprunts contractés auprès de la Banque Centrale de Wallonie et de Bruxelles et du public ; leur actif comprend toutes les créances qui sont la contrepartie des prêts qu'elles ont octroyés aux particuliers et aux entreprises.

De la sorte, on a abouti à une configuration finale, dans laquelle les dépôts sont entièrement couverts par une encaisse en euros et les crédits totalement gérés (et de manière saine de surcroît !) par les banques de prêts.

 

Francis Bismans est professeur d'économie à l'Université de Nancy, est un membre actif du Mouvement pour le Manifeste wallon et anime le

Mouvement socialiste Nous avions déjà eu l'honneur de l'accueillir dans nos colonnes en juin-juillet 2000 La "financiarisation" du monde

Voir aussi:

 Interview de Francis Bismans sur le protectionnisme dans Le Journal du Mardi 

 

 

 

2/12/2008